Catéchèse du pape – De la pensée positive aux fausses espérances

Catéchèse du pape – De la pensée positive aux fausses espérances

Le pape poursuit sa catéchèse du mercredi sur l’espérance chrétienne. Pour sa sixième méditation sur le thème, le Saint-Père s’est appuyé sur le psaume 115, ouvrant sa réflexion par une considération anthropologique : espérer est un besoin primaire de l’Homme.

A cette occasion il a repris une expression surprenante utilisée lors de sa lettre remise aux maires des grandes villes d’Europe : la fameuse “pensée positive”. Cependant, l’usage qu’il en fait n’est pas le même ici qu’à cette occasion. Dans la lettre il voyait dans l’onde positive une manière de prière envoyée par les maires non croyants à son intention, tandis qu’il s’agit dans cette perspective de la dynamique qui pousse l’homme à avancer.

Sans reprendre la polémique suscité par l’emploi de ce terme comme substitut de la prière, il trouve ici une réalité anthropologique qui sans être l’espérance en est l’élan inscrit dans l’être même de tout homme. En effet, l’espérance agit comme une cause finale, celle qui aspire l’homme vers la jouissance du bonheur qu’il espère. La pensée positive, en revanche viendrait plutôt du dedans de l’homme et le pousserait à agir en vue de ce qu’il espère. L’un et l’autre se confondant dans une même dynamique de mouvement qui pousse l’homme à agir. Et ce mouvement est constitutif de tout être humain. L’un éprouve un manque en lui qui le pousse à chercher hors de lui son bien, tandis que l’autre attire de l’extérieur l’homme. L’espérance réside dans le fait de trouver dans ce qu’on espère ce qui nous manque. Mais à la différence d’une simple dynamique impulsée par le manque qui va tenter de capter l’autre pour combler le vide, se laisser rejoindre par un autre c’est accueillir l’autre pour lui même et il se trouve qu’il me comble ainsi.

C’est bien l’adéquation entre ce qu’est l’autre et ce qui me manque que porte l’espérance. Car l’espérance cherche non pas à combler des vides, comme une pièce de puzzle, mais à s’accomplir et se réjouir dans ce qu’on espère. L’espérance est une tension vers la réalisation de soi, là où la pensée positive est une émanation dynamique de soi.

Quand nous mettons  notre espérance en Dieu, nous percevons bien la différence entre être appelé à se réaliser en Dieu et capter Dieu à son profit. Mettre son espérance en Dieu c’est orienter cette pensée positive pour nous rendre adéquats au bien qu’est Dieu.

C’est ce que le Saint-Père rappelle en mettant en garde contre les fausses espérances du monde. La pensée positive ne suffit pas. Il faut l’éduquer.

Mais il est important que cette espérance trouve une réponse dans ce qui peut vraiment aider à vivre et à donner sens à notre existence. C’est pour cela que la Sainte Écriture nous met en garde contre les fausses espérances que le monde nous présente, démasquant leur inutilité et montrant leur absurdité. Et elle le fait de différentes manières, mais surtout en dénonçant la fausseté des idoles en qui l’homme est continuellement tenté de mettre sa confiance, faisant d’elles l’objet de son espérance.

Le pape constate cependant que, face aux épreuves de la vie, la confiance en Dieu, et finalement notre espérance, sont fragiles au point que nous ressentons le besoin d’autres certitudes, plus humaines : les fausses espérances.

Parce que la foi consiste à avoir confiance en Dieu – qui a la foi, a confiance en Dieu – mais vient le moment où, en se confrontant aux difficultés de la vie, l’homme expérimente la fragilité de cette confiance et sent le besoin de certitudes différentes, de sécurités tangibles, concrètes. Je m’en remets à Dieu, mais la situation est un peu difficile et j’ai besoin d’une certitude un peu plus concrète. Et là est le danger ! Et alors, nous sommes tentés de chercher des consolations même éphémères, qui semblent remplir le vide de la solitude et adoucir la difficulté à croire. Et nous pensons pouvoir les trouver dans la sécurité que peut donner l’argent, dans les alliances avec les puissants, dans la mondanité, dans les fausses idéologies. Parfois, nous les cherchons dans un dieu qui puisse se plier à nos demandes et intervenir de façon magique pour changer la réalité et la rendre telle que nous la voulons ; une idole, justement, qui en tant que telle ne peut rien faire, impuissante et mensongère. Mais nous aimons les idoles, nous les aimons beaucoup !

Vient alors le commentaire du psaume 115 par le pape.

« Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles. » (vv. 4-8).

Le psalmiste nous présente, d’une manière un peu ironique aussi, la réalité absolument éphémère de ces idoles. Et nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de représentations faites de métal ou d’autre matériel, mais aussi de celles construites avec notre esprit quand nous faisons confiance à des réalités limitées que nous transformons en absolu, ou quand nous réduisons Dieu à nos schémas et à nos idées de divinité ; un dieu qui nous ressemble, compréhensible, prévisible, exactement comme les idoles dont parle le psaume. L’homme, image de Dieu, se fabrique un dieu à son image, et c’est aussi une image mal réussie : il ne voit pas, il n’agit pas et surtout il ne peut pas parler. Mais nous sommes plus contents d’aller vers les idoles que d’aller au Seigneur. Bien souvent nous sommes plus contents de l’espérance éphémère que te donne cette fausse idole que de la grande et sûre espérance que nous donne le Seigneur.

À l’espérance dans un Seigneur de la vie qui, par sa Parole, a créé le monde et conduit nos existences, s’oppose la confiance dans des simulacres muets. Les idéologies avec leur prétention à l’absolu, les richesses – et elles sont une grande idole – le pouvoir et le succès, la vanité, avec leur illusion d’éternité et de toute-puissance, des valeurs comme la beauté physique et la santé, quand elles deviennent des idoles à qui tout sacrifier, sont toutes des réalités qui embrouillent l’esprit et le cœur et qui, au lieu de favoriser la vie, mènent à la mort. C’est triste d’entendre et cela fait souffrir l’âme, ce que j’ai entendu une fois, il y a des années, dans le diocèse de Buenos Aires : une brave femme, très belle, se vantait de sa beauté, commentait, comme si c’était naturel : « Et oui, j’ai dû avorter parce que ma silhouette est très importante ». Ce sont des idoles et elles te poussent sur la mauvaise voie et ne te donnent pas le bonheur.

Le message du psaume est très clair : si l’on met son espérance dans les idoles, on devient comme elles : des images vides avec des mains qui ne touchent pas, des pieds qui ne marchent pas, des bouches qui ne peuvent pas parler. On n’a plus rien à dire, on devient incapable d’aider, de changer les choses, incapable de sourire, de se donner, incapable d’aimer. Et nous aussi, hommes d’Église, nous courons ce risque quand nous nous « mondanisons ». Il faut rester dans le monde mais se défendre des illusions du monde que sont ces idoles que j’ai mentionnées.

Il faut, comme poursuit le psaume, mettre sa confiance et espérer en Dieu et Dieu nous donnera sa bénédiction. Le psaume dit ceci :

« Israël mets ta foi dans le Seigneur […]

Maison d’Aaron, mets ta foi dans le Seigneur […]

Vous qui craignez le Seigneur, ayez foi dans le Seigneur […]

Le Seigneur se souvient de nous : il bénira ! » (vv. 9.10.11.12).

Le Seigneur se souvient toujours. Même dans les moments difficiles, il se souvient de nous. Et c’est là notre espérance. Et l’espérance ne déçoit pas. Jamais. Jamais. Les idoles déçoivent toujours : elles sont imaginaires, elles ne sont pas la réalité.

Voilà l’étonnante réalité de l’espérance : en mettant sa foi dans le Seigneur, on devient comme lui, sa bénédiction fait de nous ses enfants, qui partagent sa vie. L’espérance en Dieu nous fait entrer, pour ainsi dire, dans le rayon d’action de son souvenir, de sa mémoire qui nous bénit et nous sauve. Alors peut jaillir l’Alleluia, la louange au Dieu vivant et vrai qui pour nous est né de Marie, est mort sur la croix et est ressuscité dans la gloire. Et nous, nous avons notre espérance en ce Dieu et ce Dieu – qui n’est pas une idole – ne déçoit jamais.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 

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