Entretien – Enfants soldats : le travail de réintégration des Salésiens en Colombie

Entretien – Enfants soldats : le travail de réintégration des Salésiens en Colombie

Dimanche dernier, c’était la journée internationale des enfants soldats. Selon des ONG, près de 250.000 jeunes, âgés de 6 à 18 ans, sont concernés, dans une trentaine de conflits dans le monde. C’est le cas de la Colombie, où la guérilla des FARC s’est achevée à la fin de l’année 2016, et où les pourparlers de paix débutent avec l’autre guérilla du pays, l’ELN. Les plaies du conflit sont encore douloureuses pour de nombreux enfants, touchés de diverses manières. Il est souvent très difficile de réintégrer dans la société les enfants soldats, recrutés souvent de force et ayant subi de graves dommages physiques et psychologiques. Ce travail est notamment réalisé par les salésiens de Don Bosco qui disposent de deux centres en Colombie. Ce processus de réadaptation et de réintégration personnelle et sociale des enfants soldats par les Salésiens est raconté dans un documentaire intitulé Alto el Fuego (« Cessez le feu »).

Angel Gudiña Canicoba, le secrétaire exécutif de Don Bosco International, revient sur l’action des Salésiens et le quotidien des enfants soldats. Interrogé sur Radio Vatican par Sarah Bakaloglou, nous retranscrivons pour vous l’essentiel de son témoignage.

Angel Gudiña Canicoba : Il y a plusieurs cas, très différents. Certains vont volontairement à la guérilla, dans des circonstances très diverses, à cause de situations familiales difficiles, par admiration de quelques personnes, mais il y a aussi des personnes qui sont forcées. Il n’y a pas de règle générale.

Sarah Bakaloglou : Alors ce sont des enfants qui ont subi des dommages physiques et psychologiques, quels sont-ils ?

A.G.C : Ils étaient considérés comme soldats, ils devaient faire tout ce que fait un adulte : des gardes, cuisiner, marcher de nombreux jours sans aucune nourriture, etc

S.B : Qu’est-ce que ces enfants ont trouvé le plus dur, le plus traumatisant ?

A.G.C : Le manque d’humanité. C’est, par exemple, le cas de Manuel, le protagoniste du documentaire : ils ont tué son frère, après un conseil de guerre. Alors il n ‘avait plus de motivation pour continuer la guérilla et il a voulu partit.

S.B : Comment aider ces enfants-soldats à réintégrer la société, quel est le travail que vous faites avec eux ?

A.G.C : On nous envoie ces enfants pour les accompagner dans le processus de réintégration. Le processus comporte une première phase de confiance : pendant 2, 3, 4 mois selon les enfants (chacun a un parcours individualisé). Puis vient la phase on donne des formations (techniques, scolaires…) et ensuite vient la phase la plus longue, la phase que nous appelons “de l’alliance”, au cours de laquelle on commence à les engager au niveau civique. Nous les rétablissons dans leurs droits de citoyens. C’est très difficile de les convaincre qu’ils ont été victimes et pas coupables de toute leur histoire. On doit essayer de rétablir tout le mécanisme citoyen habituel.

S.B : Combien y a-t-il d’anciens enfants soldats dans vos centres dans le pays ?

A.G.C : Nous avons deux centres, l’un de 75 places et l’autre de 40. Cela fait maintenant 15 ans que nous faisons ce travail et au cours de ces années nous avons vu passer 2300 enfants soldats avec un succès de 90% d’enfants établis dans la vie. Parmi les 10% restant, certains enfants ne se trouvaient pas bien dans nos centres et l’Etat les a envoyé dans d’autres lieux.

S.B : Le gouvernement colombien a signé un accord de paix avec les FARC, il a ouvert des discussions avec la 2° guérilla du pays, l’ELN, est-ce que c’est rassurant pour vous sur le sort des enfants-soldats ?

A.G.C : C’est beaucoup d’espérance pour notre travail. Il faut avoir la volonté de traiter ces enfants comme enfants et pas comme soldats, leurs droits n’ont pas été respectés lorsqu’ils étaient enfants.

Il y a une autre question très importante : ces enfants ont toujours peur que quelqu’un les reconnaisse et vienne les tuer : ils sont déserteurs, ils ont déserté la guérilla, c’est une situation complexe.

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