Le parti qui l’a fait élire souhaiterait-il la démission du pape ?

Le parti qui l’a fait élire souhaiterait-il la démission du pape ?

Reprise par un journal aussi sérieux que le Times de Londres, le secret de polichinelle a suffisamment franchi les murailles d’ordinaires opaques du Vatican pour que nous nous posions la question, à quelques jours de l’anniversaire de l’élection du pape François, de ce rififi vaticanesque qui n’a rien à envier à l’affaire dite Fillon.

Issu du sérail curial, le pape Benoît XVI s’était taillé quelques charitables inimitiés au sein de cette Curie gangrenée d’immobilisme dont le talent de buis sait, mieux que la cape d’invisibilité d’Harry, masquer le venin du péché dont elle semble pourtant se délecter. Quelles que furent les raisons de la renonciation du Pontife, le parti dit de la Curie s’est arrangé, avec les progressistes allemands qui de longtemps souhaitent déverser le Rhin dans le Tibre, pour élire et tenir un candidat, qui pour être chargé de sa purge, n’en serait pas moins loin du camp un peu trop pressant de Ratzinger.

Il faut avoir la foi bien arrimée au cœur et tenir pour impeccables les trois blancheurs, pour apercevoir sous ce galimatias fait du mesquin humain, la toujours discrète présence de l’Esprit-Saint. Demeure qu’aujourd’hui, le parti de la Curie se voit écarté au profit d’un essaim secondaire d’abeilles qui butinent plutôt à Sainte-Marthe que dans la ruche vaticane séculaire, désertée par le souverain, sans doute, ici, inspiré par l’Esprit de ne pas s’aller laisser enfermer dans le traditionnel appartement dont il délègue aux portes le privilège de demeurer sous scellé.

Oui mais voilà que le débonnaire Argentin, se révèle aussi autoritaire que le sixième Urbain était colérique. Élu, quasi manu militari, sous la pression des Romains, qui ne voulaient pas courir le risque de voir un nouveau français repartir en Avignon, l’italien Prignano monta sur le trône de saint Pierre en 1378, porté là-haut par un conclave que les furies de la rue terrifiaient. Aussi autoritaire que bileux, il finit par se rendre plus redoutable que la vindicte populaire et le démon susurra, de vrai ou de faux, que l’élection ayant fait la part plus belle à la peur de la foule qu’à la crainte de l’Esprit, l’irascible pontife n’avait aucune validité pour les bousculer et ne pouvant le décider à abdiquer une tiare qu’ils regrettaient amèrement de lui avoir confiée, ils s’en retournèrent sous la protection de l’austère palais venaissin, tisser dans leurs capa magna un nouveau schisme.

Plus de sept siècles séparent la déconvenue de cardinaux plus craintifs du peuple que de Dieu, de celle d’un conclave plus préoccupé de lui-même que de l’Eglise. Ne pouvant prétendre l’invalidité d’une élection qu’ils ont de loin (ou de près) arrangée, avec ou sans l’Esprit (Dieu, dit-on, toujours s’y retrouve), il ne leur est guère d’autre issue que de renvoyer l’autoritaire jésuite finir ad cadavere  ses jours au discret Mater ecclesia déjà occupé par l’émérite en titre. Cela ne ferait jamais que trois papes, pas plus finalement qu’à l’issue du Concile qui, croyant dénouer le schisme d’Avignon, en ouvrit un en terre de Bâle.

L’Eglise, qui a déjà traversé semblable tempête, si elle demeure sise sur le roc du Christ se remettra de cette grosse vague comme des précédentes. Pourtant, les racines de la crise actuelle ne résident pas uniquement dans le caractère intransigeant d’un pape dont les médias, trop heureux de manipuler l’image, préfèrent “profiler” à leur goût le tempérament de feu. Cette fois-ci, la diligente Curie craint rien moins que l’implosion de l’Eglise systématiquement mise à mal par un pape élu (c’était en tout cas l’illusion vaticane livrée au peuple) pour la réformer, mais dont les lignes bousculent plus que les habitudes millénaires d’un establishment engoncé dans ses confortables privilèges romains.

Cette Curie, dépassée dans ses calculs diaboliques par celui-là même qui manipule peurs et illusions, panique à l’idée de voir le résultat déchirant de ses manigances sur la Sainte Tunique sans couture du manteau christique. Le navire mis en péril par le carré même des officiers ne voit désormais son salut qu’en passant par dessus bord le capitaine incontrôlable sous la barre de qui les voiles ne résistent pas au vent violent d’une tempête dont ils ne maîtrisent plus la trajectoire.

Curieusement, les mutins ne sont pas les cardinaux ouvertement opposés à la ligne souvent appelée avec distance “bergoglienne”, qui préféreraient un tribunal en règle pour statuer non sur le devenir du timonier, mais sur le cap qu’il entend tenir. A la manœuvre insidieuse se trouvent les curiaux intrigants qui verraient bien un fils du sérail réinvestir les appartements dont ils savent conserver les scellés. Ainsi, le numéro deux, le cardinal Parolin serait, n’en déplaise à l’Esprit-Saint, bienvenu de prendre la première place.

Mais pour ne pas perdre l’influence sibylline qui nourrit leurs intrigues, il faut à la crise une porte bien verrouillée par laquelle, en sortant, le souverain, sous bonne garde, n’entache pas la légitimité de la cour électorale. En d’autres termes, le seul départ garantissant l’avenir du parti actuellement détrôné serait une démission affirmant la validité tout autant de l’élection que de la renonciation.

Inenvisageable, tout du moins pour l’instant, cette chausse-trappe se nourrit toutefois de rumeurs (distillées ?), de braises ravivées autant que d’une série d’affichages décalés par lesquels, les cardinaux assurent le pape comme les fidèles de leur indéfectible soutien, comme si cela n’allait pas de soi.

 

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