Tribune – Dans un monde qui change, la doctrine sociale changerait-elle également ?

Tribune – Dans un monde qui change, la doctrine sociale changerait-elle également ?

Dans le contexte électoral actuel il nous a semblé opportun de redonner cette tribune.

 

La lettre des évêques de France adressée aux habitants de France n’a décidément pas convaincu. Très peu d’échos positifs pour une lettre qui se voulait contribution au débat et aide à la réflexion. Les missiles envoyés contre la déclaration (dont tous les évêques n’avaient pas connaissance) sont une rafale ininterrompue de griefs du même calibre : l’analyse est pauvre, sans prise sur la réalité et parfois loin de l’enseignement de l’Eglise.

 

Avec un peu de recul, Joël Hautebert revient sur cette lettre dans les colonnes de L’Homme nouveau en posant cette question : la doctrine sociale de l’Eglise aurait-elle changé ?

Il n’y a plus de charité politique (expression absente), destinée au bien spirituel des âmes (jamais évoqué) assuré par de bonnes lois (jamais citées). L’objectif est autre : « Certains ont du mal à considérer que le religieux ait quelque chose de positif à apporter à la vie en société » [p. 61]. Quel serait donc cet apport ? Aider psychologiquement les caractères faibles, faire du social ? Une phrase a particulièrement retenu notre attention. À propos de la perte de repères résultant des évolutions économiques et sociales, il est question de « la disparition dans les villages des services de proximité, épicerie, bureau de poste, médecin, curé… » [p. 32] !!! L’Église assure un service de proximité identique à celui de l’épicier et des services postaux au cœur du pacte républicain. Voilà l’objectif.

Le registre essentiellement sociologique n’a donc rien d’innocent. C’est celui de la modernité idéologique et du relativisme.

L’auteur pointe le manque d’analyse, les écarts avec la doctrine et la doctrine du compromis.

Le lecteur est d’abord frappé par la tonalité de l’exercice. Il se situe dans le registre sociologique du simple constat d’un certain nombre de maux qui affligent notre pays ou encore des formes de réaction des citoyens ; du désintérêt pour la politique aux modalités contemporaines d’expression « citoyenne ». Les courts chapitres comprennent souvent une grande quantité de questions, posées les unes après les autres, autant d’interrogations pour lesquelles on attend des réponses, a minima des pistes pour la réflexion. Par exemple, lorsque les évêques posent l’excellente question « Pour quoi suis-je prêt à donner ma vie aujourd’hui ? » [p. 52], on aimerait lire quelque chose de plus consistant et politique (et de moins relativiste) que : « la réponse est sans doute très personnelle et intime ». Ce registre sociologique est quelque peu gênant lorsqu’il est question des diverses initiatives citoyennes, le phénomène « Nuit debout » étant placé sur le même plan que les « Veilleurs », sans aucune appréciation de fond.

 

Les causes des fragilités, des difficultés ou impasses de notre société ne font jamais l’objet d’une analyse en profondeur. Or, sans diagnostic, comment proposer un remède ? Pourtant, il est écrit que « plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin pour vivre dans le monde d’aujourd’hui » [p. 42]. Voilà qui est bien dit. Mais alors pourquoi n’y a-t-il aucune allusion à la loi morale naturelle, dont la violation par les lois constitue l’une des causes majeures de nos maux contemporains ? Pourquoi n’y a-t-il aucune mention de l’ordre naturel sur lequel doit nécessairement s’appuyer l’ordre politique ? La Nation et la Patrie ne font l’objet d’aucune définition. Il est simplement dit que « les notions traditionnelles et fondamentales de Nation, Patrie, République sont bousculées et ne représentent plus la même chose pour tous » [p.15]. Pourquoi ne pas rappeler leur sens exact ? Nous ne trouvons également aucune définition substantielle du politique, en dehors du sacro-saint débat. Pour les auteurs, le politique suppose « la recherche du bien commun et de l’intérêt général qui doit trouver son fondement dans un véritable débat sur des valeurs et des orientations partagées » [p. 21]. Rien non plus sur les conditions du bien commun que sont la justice, l’unité, l’amitié politique… Aucune information n’est donnée sur ce qu’est une communauté politique, en quoi elle s’inscrit dans notre nature d’animal politique, prend corps au cours de l’Histoire dans une culture, des traditions, une langue, un patrimoine hérité, pour nous Français immense, riche de siècles d’efforts, de dons et de sacrifices. Cela n’apparaît qu’incidemment sous forme de questions. Dès lors, les justes remarques ou constats disséminés ici ou là, sur le respect de la vie et la famille par exemple, perdent l’essentiel de leur force, parce que leur fondement naturel a disparu

 

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