Après le statut juridique des animaux, l’UE va-t-elle doter les robots de personnalité juridique ?

Après le statut juridique des animaux, l’UE va-t-elle doter les robots de personnalité juridique ?

Le rapport Delvaux est discuté actuellement en Europe en toute discrétion, comme tout ce qui se passe “loin de chez soi”.

Le rapport constate la place grandissante des robots dans la vie des entreprises, mais aussi dans la vie domestique et l’impact de cette présence sur l’économie, comme sur la vie sociale. Il semble qu’il y ait, en effet, une certaine empathie pour les robots domestiques. Le fait est que les robots agissent avec une forme d’autonomie et peuvent causer des dommages qu’il s’agit de compenser.

C’est un des aspects du problème qui conduit, nous dit-on, à envisager de doter les robots d’une personnalité électronique. Il y avait la personne humaine, la personne morale et à présent voici la personne électronique, sans compter le statut juridique des animaux depuis 2015.

Certes définir la notion de personne est délicat, mais ordinairement tout le monde comprend, surtout dans le cadre juridique dont il est question ici, que “personne” est lié à une certaine idée de responsabilité. Or la responsabilité suppose de faire des choix en toute liberté. Ce dont seules des personnes humaines sont capables, puisque faire un choix suppose la notion de bien et de mal (et pas simplement dans une conception morale). Nous choisissons en vue de ce qui nous semble bien pour telle ou telle raison.

Un robot combine des chiffres qui le conduisent automatiquement à des actions déterminées par le résultat de cette combinaison. Ce qui veut dire que le robot ne se trompe pas sur des choix, mais donne une solution à une équation compte tenu de ce qui a été programmé en lui. Et ce même si le robot a la capacité à s’auto alimenter en informations, celle-ci ne pourra jamais être que chiffrée et donc suite de combinaisons, de plus en plus complexes, mais combinaisons tout de même.

Il n’y a donc pas de responsabilité possible pour un robot, pas plus que pour un animal qui agit de façon réflexe et donc déterminée. La personne humaine a ceci de différent avec les animaux et les robots qu’elle peut prendre de la distance avec ses actes et donc les orienter librement.

Aussi, parler de responsabilité morale d’une entreprise peut se comprendre dans la mesure où celle-ci est gérée par des hommes et des femmes qui sont capables de responsabilité. Il n’en est pas ainsi du robot qui demeure une machine et donc sous la responsabilité de son concepteur et de son propriétaire. Cette volonté de donner une personnalité “électronique” est un pas de plus dans la déresponsabilisation de la personne humaine. Or cette déresponsabilisation est une atteinte à la dignité même de la personne humaine ainsi qu’une privation de sa liberté.

Alain Bensoussan, interrogé par Jean Marc de Jaeger du Figaro tente de justifier ce besoin juridique, mais oublie que le robot est une machine inventée et propriété privée d’une personne humaine ou morale. Qui plus est, questionné sur les dérives et la comparaison avec les animaux, il montre une méconnaissance totale des mots qu’il emploie.

Pour lui, l’animal, biologiquement vivant, est doté de sensibilité mais pas d’intelligence. Le robot doté d’intelligence n’est ni biologiquement vivant, ni doté de sensibilité. Le robot est bien doté de sensibilité à partir du moment où il est créé avec des capteurs. Car les sens humains ou animaux sont des capteurs d’informations extérieurs envoyés vers l’intelligence qui va les traiter. Mais il veut sans doute maladroitement parler de capacité à sentir la douleur ou des émotions comme la peur, la faim, etc.

Or précisément, ces capacités ont leur siège dans l’intelligence, ce qui montre que les animaux ont bien une forme d’intelligence à la différence des robots qui, une fois encore, combinent mécaniquement des données.

Intelligence signifie “lire entre les lignes”, entendons que l’intelligence, à partir de données factuelles, est capable de leur rendre un sens plus fort que la simple donnée brute.

Ainsi, les arguments en faveur de la personnalité électronique sont aussi pauvres que l’expression en forme d’oxymore le prouve. Parler de personnalité électronique est aussi absurde que de dire que le noir est lumineux. Seuls les poètes peuvent parvenir à résoudre, précisément en nous donnant à lire entre les lignes, l’oxymore d’un tel clair obscure.

 

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