Edito #84 – 14 juillet : de la fin des libertés et des droits de l’Homme

Edito #84 – 14 juillet : de la fin des libertés et des droits de l’Homme

Lorsque la Révolution Française a éclaté, l’Europe n’en revenait pas de ce que le plus doux, le plus aimable des peuples ait ainsi pu se transformer en un monstre sanguinaire, aveugle prêt à déchiqueter sans discernement quiconque se dressait devant lui. Il est saisissant de lire cet étonnement des contemporains européens dans leur correspondance. Et depuis ? Depuis qu’est devenu le plus aimable des peuples ? A-t-il toujours le goût du sang aux lèvres ? Si nous observons attentivement l’histoire chaotique et violente qui émaille nos deux derniers siècles, nous serions bien tentés de répondre oui. Comme un homme ne se remet jamais d’un meurtre, comme une personne saine se relève difficilement d’un coup de folie meurtrière, la France semble en effet comme abrutie depuis deux cents ans. On le dit trop peu, le peuple de France n’est pas encore sorti de l’épisode révolutionnaire.

La période révolutionnaire, avec sa violence inouïe, a créé une rupture qu’une certaine idéologie a savamment entretenue. Il y a un avant et un après, comme il y a un ancien et un nouveau régime. Que l’on soit monarchiste ou républicain importe finalement peu ici, car la cassure qui a eu lieu n’est pas seulement politique. Elle est identitaire et anthropologique. La France n’est plus la même. L’œuvre construite patiemment par les rois, au prix d’une lente intégration respectant les particularismes locaux a cédé le pas à une recomposition brutale et arbitraire. Là où chaque identité régionale tissait harmonieusement l’unité du pays, le centralisme révolutionnaire est venu étouffer les particularismes, au point qu’aujourd’hui le communautarisme qui leur a succédé est devenu la hantise des nouveaux régimes successifs. Car l’effort révolutionnaire a oublié une chose fondamentale, l’unité nait de la diversité. La peur au ventre, conscients de la fragilité du régime qu’ils voulaient imposer, les Républicains de 1793 n’ont plus voulu qu’une seule tête, réduisant la personne à l’individu, en faisant un simple numéro, poli par la propagande. Et cela dure, en s’accentuant, depuis maintenant deux siècles. Ainsi, notre actuel gouvernement se situe dans la droite ligne des mentors de la Révolution. Il en utilise les mêmes procédés. Intimidation, passage en force, mais surtout négation de l’Histoire, de l’identité et de la personne. Deux siècles pourtant nous séparent de la chute de l’Ancien Régime et la France n’est toujours pas à l’aise avec ce moment clef de son Histoire.

Réformes après réformes, les programmes d’Histoire minimisent de plus en plus les siècles qui ont précédés 1789 et quand ils les abordent c’est avec un parti prix qui fait honte à la vérité. Pourquoi donc un régime vieux de deux siècles a-t-il autant peur de ce qui l’a précédé ? Pourquoi, sinon parce que ce régime sent qu’il a un vrai problème de légitimité. Je ne dis pas que la République en soi n’a pas de légitimité. Je dis que notre République a un problème de légitimité et ce pour une simple raison, elle est né du mensonge et s’entretient depuis deux cents ans par le mensonge. Ce n’est pas tant le régime qui est en cause, mais ce qu’il a dû briser pour s’imposer et se maintenir. Or, si paradoxal que cela puisse paraître, ce que la Révolution a retiré de plus fondamental et ce dont les régimes successifs maintiennent la privation, c’est la Liberté, alors qu’elle est supposée en être l’emblème. La France pays des droits de l’Homme, les « valeurs de la République » maintenues artificiellement par un pacte républicain dont personne n’a jamais vu ni signé le moindre article, ne sont qu’un artifice rhétorique destiné à entretenir un peuple brimé dans l’illusion de la liberté.

Pas moins de dix régimes se sont succédé depuis l’épisode révolutionnaire. Soit une durée de vie moyenne de 20 ans. Les rois, les empereurs, les consuls et les républiques passent sans que personne ne s’inquiète de leur caractère éphémère. Depuis la chute de Napoléon III, on pense même que la république vit cette nécessaire adaptation au temps qui passe. Un homme qui aurait une telle volatilité passerait pour instable et on penserait de lui qu’un malaise profond l’habite. La même question devrait se poser pour notre pays. Pourquoi depuis deux siècles peine-t-il autant à trouver une stabilité ? Pourquoi les crises successives emportent-elles les régimes, alors que la monarchie a traversé les siècles ? Le problème ne tient pas uniquement au choix du régime, mais à ses assises. Depuis 1789 nous passons notre temps à refuser la vérité historique au profit d’une idéologie galopante. Aucun être au monde ne peut grandir sereinement en reniant son histoire. Cette négation entretient un mal-être collectif qui plonge la France dans l’instabilité et l’inquiétude. La France n’est plus un pays serein et son peuple ne peut plus être le plus doux et le plus aimable des peuples. Mais plus grave encore, pour s’imposer et faire oublier sa naissance ce nouveau régime, sous toutes ses formes, a préféré nier la réalité humaine et a peu à peu imaginé un prototype d’individu facile à gouverner, un standard aussi aisé à contenter qu’on range des boites identiques et calibrées sur une étagère. Le temps aidant, ce stéréotype standardisé s’est de plus en plus éloigné de l’être réel, sans que plus personne ne soit audible pour rappeler la vérité anthropologique. Et aujourd’hui nous sommes parvenus au paroxysme de cette dichotomie avec les projets de lois en cours.

Mais le drame de cette épopée s’est étendu au monde entier, au nom même du pays des droits de l’Homme. En réalité, il serait temps, avant de parler des droits, de reparler de l’Homme. Et si la France a bel et bien, entre les nations, une vocation universelle et s’il ne faut pas davantage nier les deux derniers siècles que les précédents, cette vocation pourrait bien être de restaurer la véritable dignité humaine. Les tenants aveugles d’une idéologie du progrès, terrifiés d’être à la traîne des dérives progressistes commises dans d’autres pays, usent leur force et la France à vouloir être comme tout le monde et même (orgueil franchouillard mal placé) à faire mieux.
Et si au contraire la France redevenait le pays des droits de l’Homme, si la France était bien ce peuple aimable et doux qui protège le plus faible ? Si la France prenait à nouveau de l’avance, si la France était visionnaire et pouvait rester dans l’Histoire le pays qui en disant non avait stoppé la spirale du mal ? Alors peut-être, par un retour à la vérité, le peuple de France retrouverait-il la sérénité et donc la stabilité. Alors peut-être serions-nous, enfin, le pays des droits pour l’Homme. Telle est, me semble-t-il la responsabilité de la France après avoir entraîné le monde dans une illusion mortifère, depuis plus de deux siècles.

Extrait de « le Printemps français, le grand réveil de notre civilisation »

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Edito #84 – 14 juillet : de la fin des libertés et des droits de l’Homme

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