En Ethiopie, le christianisme refleurit.

En Ethiopie, le christianisme refleurit.

De Jean-Claude Guillebaud, écrivain et journaliste,  sur le site de « La Vie »

« Dès l’arrivée en Éthiopie, c’est un choc. Les Éthiopiens ont été christianisés au début du IVe siècle, bien avant nous. Or, ce très ancien christianisme est plus vivant que jamais. J’en témoigne : je connais ce pays depuis novembre 1973, et j’y retourne sans cesse. Grâce à la librairie La Procure, j’y accompagne cette fois une vingtaine de personnes « sur les traces du christianisme éthiopien ».

Commençons par les détails. Les adolescents et les hommes portent tous aujourd’hui autour du cou une croix tenue par un fil noir, rappel des souffrances du Christ. Les femmes ne sont pas en reste, avec le châle blanc dont elles s’enveloppent, la chamma traditionnelle. Dans chaque bourgade traversée, on entend dès l’aube les chants orthodoxes qui correspondent à nos matines, laudes et prime. Un peu partout, de Lalibela à Bahir Dar, Gondar ou Aksoum, on restaure des monastères. On construit aussi beaucoup d’églises. Elles sont pleines, surtout pour les fêtes religieuses qui scandent le calendrier éthiopien, comme chez nous jadis. Ce jeudi 27 septembre par exemple, c’est le Mesqel ou fête de la Vraie Croix. Des milliers d’Éthiopiens sont dans la rue ou sur les places, autour d’un grand feu. Cette fête célèbre la découverte, en 326, de la croix sur laquelle Jésus-Christ aurait été crucifié. La mère de l’empereur romain Constantin aurait retrouvé cette relique à Jérusalem.

On sent dans le pays une indéfinissable joie de pratiquer à nouveau sa foi, de chanter, d’être en procession. 

Pour comprendre l’intensité d’une telle ferveur, il faut se souvenir que l’Éthiopie a vécu une dictature militaire soutenue par l’ex-URSS, de 1974 à 1991. L’Église fut persécutée, nombre de monastères profanés et incendiés. La foi fut non seulement proscrite, mais moquée. L’ « avenir radieux », « les lendemains qui chantent » et autres fadaises promises par le marxisme ne se discutaient pas. J’ajoute que ces années ont été ensanglantées par une terreur rouge qui n’épargna pas les enfants. Le gouvernement militaire du derg (« comité » en amharique) traqua sans pitié les deux partis révolutionnaires qui lui étaient hostiles. À ces violences s’ajoutaient les guerres en cours, celle d’Érythrée au nord, celle de l’Ogaden au sud.

Aujourd’hui, on sent dans le pays une indéfinissable joie de pratiquer à nouveau sa foi, de chanter, d’être en procession. Les accompagnateurs éthiopiens ne manquent jamais d’inviter les touristes au respect des lieux de culte. Certes, les « laïcs » que nous sommes devenus pourront trouver désuet ce christianisme qui fait son retour en Abyssinie. Mais son ancienneté inspire le respect. Quand on visite à Lalibela ces prodigieuses églises monolithes, creusées dans la roche autour des XIe et XII e siècles, on peut difficilement ne pas être ému. On vient du monde entier pour les voir. Elles sont devenues l’un des épicentres planétaires de notre mémoire chrétienne.

Le paradoxe est le suivant : alors que les chrétiens d’Éthiopie renouent ainsi avec leur foi millénaire, ils apprivoisent en même temps la modernité. Internet est accessible par le Wi-Fi dans la plus modeste bourgade. Et la télévision est partout. Mais le nouveau danger que l’Éthiopie profonde doit affronter, c’est le tourisme de masse. Ses effets pervers sont connus : avidité, mendicité auprès de ces farandj (« étrangers ») qui, bouleversés par la misère ambiante, donnent parfois 20 € à un enfant, soit la moitié du salaire de son père. Le péril est redoutable. Il nous faut apprendre à aimer l’Éthiopie, mais sans la corrompre. »

Source : la Vie via Belgicatho

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