Entretien de Jean Baubérot – Caroline Fourest le Trump de gauche de la laïcité

Entretien de Jean Baubérot – Caroline Fourest le Trump de gauche de la laïcité

Historien et sociologue, Jean Baubérot a été le premier titulaire de la chaire «Histoire et sociologie de la laïcité» à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, dont il est Président d’honneur. Il est l’auteur d’une œuvre immense et a raconté son itinéraire dans «Une si vive révolte» (L’Atelier, 2014). Il vient de publier un «Petit manuel pour une laïcité apaisée» avec le Cercle des enseignants laïques, aux éditions La Découverte.

Il vient d’être pris à parti parti par Caroline Fourest, connue de nos services pour son engagement d’une rare violence pour tous les combats modernistes, à commencer celui d’une certaine laïcité.

Fidèle à son habitude, elle attaque, “lance des oukases », dit M. Bauberot, contre ceux qui ne sont pas d’accord avec elle.

« Elle entretient un rapport quasi-religieux à la laïcité, dont elle s’érige grande prêtresse. Sa manière de disqualifier, c’est du Trump qui se veut de gauche »

Dans la logique idéologique, elle critique, lance des anathèmes sans pour autant apporter les preuves de ses accusations, ni justifier très scientifiquement ses positions.

Avec son habituelle légèreté intellectuelle elle accuse l’universitaire de maux dont il se défend, rétorquant qu’elle utilise ses mots à mauvais escients. Bref de la manipulation.

« Elle me colle l’étiquette «laïcité ouverte», or dans mon ouvrage «les Sept laïcités françaises», je critique ce type de laïcité, au même titre que la laïcité identitaire. J’y écris que la laïcité ouverte se préoccupe surtout de la liberté religieuse aux dépends de la liberté de conscience et de l’égalité entre citoyens. Comme apologie, on peut faire mieux ! »

L’occasion pour l’auteur du «Petit manuel pour une laïcité apaisée», de revenir sur la loi Savary, un échec dû à l’intransigeance des laïcards.

« Mon mail privé regrettait qu’un extrémisme laïque ait fait rater l’occasion d’une loi qui aurait pu être, sur le plan scolaire, l’équivalent de la loi de 1905 sur le plan des rapports églises-Etat. Et toutes les attaques de Fourest sont à l’avenant, notamment ses propos délirants sur ma chaire universitaire. Il n’y a pas eu transfert de ma chaire sur le protestantisme à celle sur la laïcité, mais bien création d’une nouvelle chaire à laquelle j’ai candidaté selon la procédure habituelle. »

Quant à l’intransigeance de Caroline Fourest sur la laïcité qui lui fait minimiser les conflits entre laïques il répond.

« En ce qui concerne la laïcisation de l’école publique, Fourest écrit que «les catholiques crient au sacrilège lorsqu’on décroche progressivement les crucifix». Bien sûr les catholiques protestent, mais les laïques durs et pseudo-purs aussi, parce que ce décrochage est plus que «progressif». On retire le crucifix des salles de classe de certaines communes où tout le monde est d’accord pour le faire. Mais on laisse le crucifix dans d’autres où certains parents sont réservés. Dans le Nord, où il y a des ouvriers immigrés flamands catholiques, on garde ainsi le crucifix à l’école laïque. Du reste, la circulaire de 1882 est très claire: on enlève cet emblème religieux ou pas «suivant le vœu des populations», parce qu’il ne faut pas risquer  de «porter le trouble dans les familles ou dans les écoles». Si elle avait vécu à cette époque, Caroline Fourest aurait hurlé à l’accommodement… déraisonnable. »

 

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