Etre chrétien en Algérie, un calvaire quotidien : témoignage d’un prêtre au Figaro

Etre chrétien en Algérie, un calvaire quotidien : témoignage d’un prêtre au Figaro

Le père Paul-Élie Cheknoun, né musulman, s’est confié au Figaro du 19 mars 2018. Extraits :

Êtes-vous libre d’exercer votre ministère en Algérie?

Je suis vicaire dans une paroisse d’Alger, appelé là par l’évêque du diocèse. Mais je ne peux y résider tout le temps. Quand j’y suis, j’accueille, comme prêtre et avec discernement, les nombreux nouveaux chrétiens qui nous arrivent. Mais je ne peux exercer mon ministère en dehors de l’église. Si je sors, je dois ne porter aucun signe religieux chrétien, sinon je risquerais de me faire agresser. On voit bien que je suis du pays, mais il faut que je sois discret. Donc pas de soutane, pas de croix, car certains n’en supportent pas la vue.(…)

Comment un chrétien vit-il sa foi chrétienne au jour le jour en Algérie?

Les musulmans convertis doivent apprendre à survivre dans une société musulmane souvent hostile. Il faut réaliser qu’ils sont persécutés et souvent rejetés par leur famille et leurs amis. On les considère comme des traîtres, des apostats. Et selon le Coran, cela mérite la mort… Pour ce qui du travail et des responsabilités, tant que cela reste dans la sphère privée, il faut le garder pour soi et n’en parler à personne. Sinon, ce sont les représailles. Lorsque cela se sait et que la personne occupe une fonction un peu sensible pour l’État, elle est renvoyée.

Je connais le cas d’un directeur de collège: dès que l’on a su qu’il était chrétien, on a débarqué chez lui en pleine nuit de Noël, il a dû évacuer son logement de fonction sur-le-champ avec sa famille et a tout perdu. C’est une affaire connue. Il est aujourd’hui réfugié en Europe. Il y a beaucoup de cas similaires. Sur le plan politique, un chrétien ne peut pas être maire, il ne peut pas être élu car l’islam est religion de l’État. Les élus prêtent serment sur le Coran.

Que dit la loi algérienne à ce titre?

L’annonce explicite du Christ étant assimilée à du prosélytisme, une loi votée en 2006 pour réguler les cultes non musulmans punit de cinq ans de prison ferme et d’une amende équivalente à dix ans de salaire, tout personne convaincue de détourner quelqu’un de l’islam pour l’attirer au christianisme ou pour injures à l’islam ou envers son prophète. La simple possession de plus d’une bible vous met en danger. Il y a beaucoup d’intimidations. Cette loi a limité l’évangélisation, mais elle n’est pas parvenue à l’arrêter, même si des églises évangéliques sont fermées en ce moment. Quant aux prêtres catholiques, ils sont confrontés à beaucoup de difficultés pour obtenir des visas.

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