Fertilité, une aventure de couple

Fertilité, une aventure de couple

Milène et Stéphan vivent en couple. Souhaitant vivre leur sexualité naturellement et de manière responsable et autonome, ils ont d’abord choisi de se former à la méthode Billings, puis à la méthode sympto-thermique – celle qu’ils enseignent maintenant. Ils n’ont pas d’enfant, et orientent leur vision de la Fertilité vers les autres couples afin de témoigner auprès d’eux de cette liberté qu’ils ont découverte. En plus d’être conseillers en méthode des indices combinés (devenue Sensiplan®), ils ont co-écrit le livre « Vivre sa fertilité naturellement avec les indices combinés », préfacé par le Pr. Henri Joyeux, et animent des formations à cette méthode… parfois en couple. Vous imaginez donc que quand le Skype a fini par marcher (gloups), c’est naturellement « à deux voix » qu’ils ont répondu à mes questions.

Cycle Naturel : Vous nous racontez un peu votre histoire ?

Stéphan : Au début de notre histoire, Milène m’a demandé ce que je pensais de la pilule, contraception qu’elle avait déjà utilisée dans une relation précédente. Assez instinctivement, je lui ai répondu que je trouvais étrange de gérer sa fertilité avec un médicament. Je ne savais pas alors jusqu’où cette réponse allait nous mener… mais j’avais exprimé ma voix. Nous avons d’abord utilisé le préservatif. Mais sentant que nous n’étions pas entiers dans nos relations sexuelles, nous avons exploré d’autres voies. En parlant à des amis, Milène a découvert la glaire cervicale comme signe de fertilité, et la méthode Billings, à laquelle elle s’est formée, tandis que moi je découvrais pas à pas le terme « abstinence ». J’avais trouvé une voie à explorer, sur laquelle être acteur moi aussi. Sous un premier regard le terme peut paraître péjoratif ou négatif, et au début je l’ai pris comme tel. Et puis finalement en me demandant ‘de quoi’ je devais m’abstenir, j’ai commencé à m’interroger sur ce dont je devais être conscient : mon désir, mes pulsions, mon énergie sexuelle. Milène, de même, a découvert son corps et sa fertilité. Et entre nous un grand dialogue s’est ouvert sur le sens de notre sexualité : que représente-t-elle pour nous ? Comment voulons-nous la vivre ? Et l’histoire continue aujourd’hui encore !

Milène : Ayant envie de partager cette découverte, nous nous sommes formés en 2005 auprès du PFN (planning familial naturel) en Belgique comme conseillers en fertilité, à la méthode des indices combinés (ou sympto-thermique), considérée comme la plus efficace des méthodes naturelles de contraception. J’utilise le mot contraception car c’est celui qui parle aux gens mais en fait, on est bien au-delà d’ « éviter une grossesse » ! C’est une manière de vivre dans son corps, dans son couple, dans son expression amoureuse. En 2011 nous avons écrit notre livre, qui a été réédité en 2014. Nous avons ensuite suivi une formation complémentaire pour enseigner cette méthode sous son appellation allemande Sensiplan. Aujourd’hui, nous continuons d’animer des journées de formation et d’échanges dans de nombreuses villes de France.

Cycle Naturel : Concrètement, en quoi consiste cette méthode ?

Cette méthode rend possible la compréhension du fonctionnement de la fertilité. Aussi efficace que la pilule, elle peut être utilisée pour différer ou favoriser une grossesse. Elle combine la prise de votre température, et/ou l’observation de la glaire cervicale (ou mucus) sécrétée au niveau du col de l’utérus, et/ou l’autopalpation du col de l’utérus, ainsi qu’un calcul de calendrier. Ces indicateurs varient suffisamment au fil du cycle pour qu’il devienne ainsi possible de distinguer soi-même, de manière très précise, les jours infertiles des jours fertiles de son cycle. Pendant la période fertile, certains couples s’abstiennent, d’autres ont recours au préservatif.

C’est une méthode naturelle très efficace puisqu’un indicateur peut être vérifié par un autre. C’est une démarche scientifique et simple dans son utilisation. Une seule journée de formation suffit pour l’apprendre. Puis la formatrice accompagne le couple pour s’approprier la méthode et la femme prend le temps d’intégrer les connaissances à travers son corps. Pendant l’apprentissage, 5 minutes par jour sont nécessaires pendant environ 10 jours par cycle (la période fertile). Avec l’habitude, moins d’une minute par jour suffit. La méthode des indices combinés a été mise au point par le Dr. Anna Flynn, gynécologue obstétricienne, en 1982. C’est une approche simple, naturelle et respectueuse de la femme et du couple. La connaissance de soi que l’on acquiert permet de se sentir acteur et responsable de sa santé.

Milène, vous avez accompagné de nombreuses femmes dans l’apprentissage de cette méthode sympto-thermique, notamment après l’arrêt de la pilule. Quels étaient leurs moteurs ? Quels sont les principaux freins qu’il a fallu désamorcer ?

Les femmes sentent que la pilule modifie leurs émotions et parfois leur caractère. Certaines prennent même conscience d’une camisole hormonale qui les empêche de connaître leur cycle : une partie d’elle leur demeure inconnue. D’autres ont de vrais problèmes de santé, des problèmes hormonaux, un mal-être psychologique ou des infections gynécologiques à répétitions, une baisse de libido… qui les poussent à stopper la pilule pour laisser leurs corps « se reposer » et récupérer des forces. Les scandales liés à la pilule vont aussi dans ce sens et encouragent les femmes à un « retour au naturel ». Les femmes que je rencontre et que je forme souhaitent reprendre les rênes de leur vie en commençant par reconquérir leurs forces primordiales. Je remarque que c’est une première démarche, souvent suivie d’un changement de leur hygiène de vie.

Mais elles sont aussi bloquées ou freinées par certains aspects :

diminution de la quantité des rapports sexuels (pour passer à une meilleure qualité de la relation, ce qu’elles ne perçoivent pas encore)
manque de confiance en elle, en leur capacité à s’observer, en la méthode, etc.
avis contraire de leur gynécologue ou médecin qui nie les effets néfastes de la pilule sur leur santé ou bien-être, et l’inconfort du recours aux contraceptifs médicalisés.
Et finalement que découvrent-elles ?

Elles découvrent que leurs corps, leur sexe, leur intimité sont existants et bien vivants !!! Que leur cycle « fonctionne » et qu’elles sont fertiles. Qu’elles peuvent se sentir en sécurité et partager cette connaissance avec leur compagnon, qui à son tour découvre une femme mature vis-à-vis de son corps.

Les femmes sont joyeuses de reprendre le pouvoir sur elles, de vivre selon leur rythme naturel et non plus de suivre un non-rythme rendu linéaire par la consommation de la pilule contraceptive. Elles découvrent qu’apprendre à gérer sa fertilité est à l’image de la nature qui exige de comprendre son langage, avec un grand bénéfice sur leur santé.

Dans les groupes que je forme il y a souvent un ou deux couples, et les hommes sont heureux d’être là, certains sont même ceux qui ont poussé leur femme à suivre une formation ! Les autres, ils ne sont pas là, mais reconnaissons qu’on les a tellement rejetés par le passé…

Dans notre livre nous décrivons la théorie de la méthode, mais la fertilité est une énergie ‘maternelle’ et la transmission de ces connaissances nécessitent un lieu d’échanges ! C’est pourquoi les formations* que nous organisons permettent aux femmes d’être écoutées là où elles en sont.

Cycle Naturel : On lit souvent que recourir aux méthodes d’observation de la fertilité a comme fruit une sexualité plus épanouie. Cela paraît un peu paradoxal (abstinence pendant la période fertile, « programmation » des rapports sexuels…). Qu’en pensez-vous ?

Stéphan : La puissance et la place de chaque partenaire sont respectées. C’est le chemin vers ce que nous appelons avec Milène une « sexualité consciente ». Notre énergie sexuelle est une puissante énergie de vie, « automatique », « instinctive ». Mais au lieu de prendre pour garder et pour satisfaire ses besoins, nous apprenons à donner pour mieux recevoir. Une dynamique joyeuse se met en place, les deux êtres se positionnent. Finalement ces méthodes ouvrent au dialogue. Le sexe n’est pas un dû, nous devons mettre en cohérence nos forces de vie.

Dans la phase fertile, le couple peut recycler ses énergies et les repousser à quelques jours : nous nous donnons un rendez-vous d’amour. Puis en phase infertile, nous continuons à vivre cette expérience du donner/recevoir, dans la dynamique que nous venons d’expérimenter.

Cette alternance d’abstinence, puis d’échanges « entiers » n’est pas évidente au début ! Un combat se fait car en tant que corps je ne veux pas renier mon désir sexuel, mais en tant qu’esprit je m’interroge : que puis-je lui ajouter pour qu’il soit respectueux pour nous deux ? Et j’ai découvert que l’on peut même transformer son énergie sexuelle en la recyclant. Oui, on passe de la sexualité qui veut prendre, à celle qui veut donner.

Stéphan, les méthodes naturelles ont beaucoup de bénéfices pour la femme, on le devine : pas d’effets secondaires, santé préservée, connaissance de son corps, confiance en soi, autonomie. De son côté, est-ce que l’homme doit « subir » ? Y trouvez-vous des joies aussi ?

C’est tout le contraire ! C’est la seule « contraception » (excusez-moi le terme) où l’homme est acteur. La pilule nous a rejetés de notre responsabilité. Là je retrouve toute ma place. Déjà je ne suis plus dans l’ignorance du cycle que vit ma compagne. Mieux encore : nous témoignons même auprès des couples que c’est moi qui « suit » le cycle de Milène. Cela me permet d’investir et de mieux le comprendre, mais aussi de trouver mon propre rythme. De manière très claire et très précise, la fertilité se dessine sur un cycle donné. Et j’entre moi aussi dans la « danse de la fertilité » ! Alors que le Masculin, du point de vu de la sexualité, est plus instinctif – et plus linéaire – que le Féminin, cette participation me permet de ne pas arriver en terrain conquis, mais au contraire d’écouter ma compagne, de savoir où elle en est, et de prendre conscience de mes propres désirs, afin d’apprendre à les conjuguer au delà de l’acte sexuel.

Finalement, vous témoignez d’une véritable ‘aventure de couple’ qui vous permet de mettre la sexualité au service de votre amour. Je vous laisse le mot de la fin, pour nourrir la prochaine discussion de couple de celles et ceux qui nous lisent ?

Oui, pour nous c’est le b-a-ba. Enfin, c’est notre b-a-ba. A chaque couple son expérience, à chacun son chemin. Avec Milène, nous sommes aujourd’hui heureux de vivre notre sexualité en harmonie avec nos corps, et avons finalement trouvé notre réponse à la question « de quoi devons-nous nous abstenir ? » : en fait, nous nous abstenons de ne penser qu’à nous-mêmes, d’être égoïstes ! C’est devenu une évidence, et ce n’est donc que de la joie.

* : formations d’une journée (10h-18h) organisées dans plusieurs villes de France (Cannes, Chateaudun, Le Mans, Rennes, Strasbourg, Paris…). Groupes d’une dizaine de personnes, couples bienvenus. RDV sur le site fertiliteconsciente.fr pour plus d’informations.

 

Source Cycle naturel

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