Notre histoire, c’est l’histoire d’une fidélité – Mgr Colomb

Notre histoire, c’est l’histoire d’une fidélité – Mgr Colomb

28Tout au long de l’histoire, Dieu a manifesté sa miséricorde et son amour infini pour les hommes pris dans les filets du péché, de la violence et de la mort. L’extrait du livre des Chroniques que nous lisons aujourd’hui évoque le drame des guerres, des pillages, des déportations et de l’exil. Après la prise de Jérusalem et sa mise à sac par le roi Nabuchodonosor, le peuple hébreu est déporté à Babylone et réduit en esclavage. Cet exil durera plus de 50 ans, jusqu’à ce que le roi perse Cyrus, inspiré par Dieu, décide de rendre sa liberté au peuple d’Israël et autorise la reconstruction du Temple.
Cet épisode de l’histoire marquera profondément la conscience d’Israël, à l’égal de l’épisode de la sortie d’Egypte, de la traversée du désert, du passage de la mer rouge et de la morsure mortelle des serpents.
Contraint à quitter sa terre, le peuple exilé a dû imaginer son avenir loin de Jérusalem, du Temple, désormais réduit en cendres, et se poser la question de la fidélité au Dieu unique en terre païenne.
Majoritairement, non sans traverser doutes, tentations, trahisons, les juifs refusèrent de se soumettre aux cultes des païens comme en témoigne le livre d’Ezéchiel. Ce fut la Loi de Moïse qui servit de ciment au peuple hébreu. Le psaume 136 évoque magnifiquement cette fidélité : “Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! Je veux que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n’élève Jérusalem, au sommet de ma joie.” (Ps 136, 4-6)
Aujourd’hui, dans un monde totalement sécularisé, le croyant peut se poser la même question que le peuple hébreu en exil. Faut-il conserver la foi reçue de nos parents, cette foi qui a fait vivre des centaines de générations avant nous ? Faut-il abdiquer, renoncer, pour se conformer aux pratiques de ce temps ? Devons-nous nous taire quand nos valeurs les plus fondamentales comme le respect de la vie, les valeurs liées à la famille et à la procréation se trouvent lentement, sûrement et insidieusement bafouées, niées, rejetées ? La Loi de Dieu, celle reçue par Moïse, confirmée et accomplie en Jésus-Christ, nous a été transmise pour que nous ayons la vie, et que nous l’ayons en abondance : “Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance” dit Jésus (Jean 10,10). En cédant, par fatigue, par indifférence, par peur du jugement, aux sirènes de notre société, nous nous rendons complices de ceux qui réduisent Dieu au silence, nous nous comportons comme des moutons de Panurge, non comme des hommes libres, des hommes nouveaux par le baptême reçu comme le recevra ce petit enfant.
Des millions d’exilés de par le monde peuvent aujourd’hui se reconnaitre dans l’exil à Babylone, mais nous qui avons la joie de vivre en paix, en sécurité, et de pouvoir pratiquer notre foi en toute liberté, saurons-nous aussi discerner dans nos vies cette tentation du renoncement, du conformisme, qui, insidieusement, nous livre aux nouveaux faux dieux de notre temps ? Pour résister, il faut avoir présent à l’esprit le projet de Dieu sur nos vies que Saint-Paul nous rappelle avec force.
Sauvés par la grâce de Dieu à l’œuvre dans ce monde
Dans la lettre aux Ephésiens, il nous redit la fidélité de Dieu, malgré toutes nos trahisons, sa bienveillance et sa volonté de récapituler toute l’histoire humaine dans le Christ Jésus. La tendresse de Dieu pour nous est celle d’un père aimant.
Les temps modernes sont les temps du soupçon. Et Dieu n’y échappe pas. Il est vrai que certaines pages de la Bible, mal comprises, peuvent laisser croire que Dieu est jaloux des hommes, qu’il aime punir et infliger la souffrance. Or, Paul multiplie les termes propres à nous faire comprendre l’immensité de l’amour de Dieu. Ainsi parle- t-il de “miséricorde”, de “grand amour”, de “grâce”, de “bonté”. Il l’assure, “nous qui étions des morts par suite de nos fautes, Dieu nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus.”
C’est l’inouï du projet de Dieu. Il ne s’agit plus de nous tirer de nos mauvais pas, de nous protéger d’ennemis humains. Le projet de Dieu est de rassembler toute l’humanité dans le Christ. Bien entendu, ceci est impossible à l’homme. Il nous est tellement difficile de voir en l’autre un frère, et un frère sauvé et aimé de Dieu. Mais pourtant, c’est bien toute l’humanité qui est appelée au Salut.
Cette Bonne Nouvelle, si nous la recevons en vérité, fait de nous des disciples et des missionnaires.
Ce que nous avons à annoncer, c’est que nous sommes sauvés, pas à cause de notre mérite, de notre talent, de notre justice. C’est “par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi.” Car Dieu est plus grand que notre cœur, plus grand que nos fautes, plus grand que nos peurs et notre égoïsme. Dieu attend de nous la foi qui sauve, il attend que nous vivions de la liberté qu’il nous a donnée. Nous ne sommes pas des êtres soumis ! Dieu veut notre guérison. Rien n’est perdu si nous nous levons pour faire triompher l’Espérance… pour porter les croix de ce monde.
La croix est le signe de l’amour parfait : portons les croix de ce monde
Quand les hébreux, en traversant le désert, récriminaient contre Dieu, quand ils étaient attaqués par les serpents, ils se tournaient vers un serpent de bronze confectionné par Moïse, et ils étaient guéris. Bien entendu, ce n’était pas l’objet lui-même qui opérait la guérison – ce serait de la magie – c’était la foi en la toute-puissance de Dieu. Cette foi, le peuple déporté à Babylone avait choisi de la garder comme un trésor en respectant les préceptes de la Loi.
Aujourd’hui, tourner notre regard vers la Croix du Christ, nous apporte la guérison, pour nous même et pour notre monde. “Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle”. Regardons les croix de ce monde..
La guérison dont il est ici question concerne tous les hommes et elle les atteint au plus intime de leur être, là où est tapie la nuit, là où sont les ténèbres que nous appelons péché. Dès lors la croix, supplice pratiqué sous l’empire romain, n’est plus signe de la haine des hommes, elle devient signe ultime de l’amour de Dieu pour notre monde, Dieu qui a envoyé son fils, mort seul pour tous ! La croix était inévitable car “la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière.”
Osons regarder la croix, ne la fuyons pas. Les hébreux devaient, pour être sauvés, regarder le serpent et non le fuir. Contemplons la croix et comprenons que “Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.”
Dieu ne peut pas forcer notre liberté. C’est par choix que nous pouvons nous libérer du soupçon, choisir la confiance, entrer dans le chemin de la foi et témoigner auprès de nos frères que le chemin que nous empruntons est celui de la libération et de la joie, que ce chemin est un chemin divin, le seul qui conduit au Dieu unique et vrai.

 

Homélie du 4ème dimanche de Carême – 11 mars 2018

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