Inde – Une paroisse ouvre ses troncs d’offrandes pour aider les victimes touchées par la démonétisation des billets

Inde – Une paroisse ouvre ses troncs d’offrandes pour aider les victimes touchées par la démonétisation des billets

« J’ai ouvert les troncs à offrandes. Si vous avez besoin d’argent, venez-vous servir pour pouvoir acheter des biens de première nécessité. » C’est par ses propos que le P. Jimmy Poochakatt, curé de la paroisse catholique syro-malabare Saint-Martin de Porres, à Thevakkal, dans l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly a invité ses fidèles, lors de la messe dominicale du 13 novembre dernier, à venir puiser dans les dons en espèces de la paroisse, pour surmonter le choc créé par la démonétisation surprise des grosses coupures (voir notre article de vendredi à ce sujet). Depuis plusieurs jours, des centaines de millions d’Indiens souffrent d’une pénurie de billets qui paralyse leur quotidien, suite à la décision annoncée le 8 novembre par le Premier ministre de démonétiser et de retirer de la circulation les billets de 500 et 1 000 roupies (6,80 euros et 13,67 euros), les deux plus grosses coupures de la monnaie indienne. A elles seules, elles représentent 86 % des billets circulant dans le pays.

« Beaucoup de personnes, y compris des non-chrétiens, sont venus chercher de l’argent », a déclaré le père Jimmy Poochakatt, également porte-parole de la communauté catholique syro-malabare« Les troncs se sont vidés en quelques minutes, c’est dire la situation désespérée que les gens vivent, du fait de cette pénurie d’argent. Je suis sûr qu’une fois la situation de crise surmontée, tout le monde rendra l’argent emprunté. Des personnes ont fait des dons, il est normal que nous les mettions à disposition des personnes qui ont besoin d’argent liquide », a-t-il expliqué au quotidien Indian Express.

Une mesure pour lutter contre l’évasion fiscale et l’argent sale

Le 8 novembre dernier, le Premier ministre Narendra Modi avait créé la stupeur en annonçant à la télévision indienne qu’à compter de minuit ce jour-là, les deux plus gros billets indiens de 500 et 1 000 roupies deviendraient inutilisables et sans valeur. « Désormais, ils ne valent plus que du papier », avait-il affirmé, avant de préciser que de nouveaux billets seraient mis en circulation à partir du 10 novembre, dont une grosse coupure de 2 000 roupies.

Ses motivations ? Enrayer l’évasion fiscale – selon certains experts, seulement 3 % des Indiens paient l’impôt sur le revenu – en paralysant les réseaux de transactions informelles, « l’empire de la corruption et de l’argent sale », qui fonctionnent grâce au commerce de billets de banque contrefaits ou cachés au fisc, et qui selon le Premier ministre finance des activités terroristes. D’après certaines analyses, l’ensemble de ces transactions informelles représenteraient 450 milliards d’euros, soit 20 % du PIB indien, un manque à gagner considérable pour le fisc indien. « Pendant des années, le pays a souffert des plaies purulentes que sont la corruption, l’argent sale et le terrorisme, plaçant l’Inde bien en retard dans la course au développement », a-t-il affirmé devant les téléspectateurs indiens.

Les plus pauvres et la classe moyenne touchés de plein fouet

La décision du Premier ministre de retirer les grosses coupures de billets a provoqué la stupeur et la panique des Indiens, qui réalisent 90 % de leurs transactions en espèces. De nombreux Indiens se sont alors rués devant les banques ou les distributeurs de billets, pour faire la queue et espérer pouvoir échanger leurs anciennes coupures en petits billets, créant rapidement une pénurie de cash dans les banques qui ont dû fermer leurs portes. Seuls les vendeurs de lait, les stations essence ou les hôpitaux avaient été autorisés à accepter, pendant quelques jours, les billets devenus obsolètes.

Si ces mesures affectent en premier lieu, les plus pauvres – ils ne disposent pas de compte bancaire, ni parfois des papiers d’identité nécessaires à l’ouverture d’un compte –, elles frappent aussi durement les personnes vivant dans des régions reculées, où il n’existe pas de réseau bancaire de proximité. Les Indiens issus de la classe moyenne, qui ont gardé l’habitude d’épargner en stockant des liquidités chez eux, sont également touchés de plein fouet par cette mesure qui réduit à une peau de chagrin leurs économies, puisque le montant maximum pouvant être échangé s’élève à 4 000 roupies (55 euros).

« [Le 8 novembre], j’avais retiré 9 000 roupies à la banque pour payer l’école de mes enfants, les courses et d’autres dépenses. La somme m’avait été donnée en coupures de 500 roupies. Et d’un coup, elles ne valent plus rien, personne ne les accepte », se désole Vinod Singh, manutentionnaire des chemins de fer à Calcutta, qui, comme de nombreux Indiens, a vu son épargne s’évaporer subitement, après l’annonce de la démonétisation des gros billets.

Dans l’Etat du Kerala, à Thevakkal, la majorité des habitants sont issus des classes moyennes ou de milieux économiquement pauvres, et la situation n’est guère meilleure. « Ici, tout le monde a été affecté par ce crack monétaire. Beaucoup de personnes âgées ne sont pas du tout familières du monde bancaire moderne. Elles ne savent pas ce que c’est d’avoir un compte en banque. Ici, beaucoup de personnes ne savent pas se servir d’un distributeur automatique de billets. Plusieurs d’entre elles sont venues me confier leurs difficultés », a expliqué le P. Poochakatt.

A la paroisse Saint-Martin, qui rassemble plus de 230 familles, « la plupart des fidèles sont pauvres. Ils doivent se battre tous les jours pour subvenir à leurs besoins, c’est pour cela qu’ils ont été aussi durement touchés par cette crise monétaire », confie un paroissien, ajoutant qu’« après la messe de dimanche dernier, c’était beau de voir le soulagement sur le visage des paroissiens ». A l’intérieur de l’église, dans les troncs, seuls restaient les billets de 500 et 1 000 roupies. « Quand les gens souffrent, c’est la mission de l’Eglise que de leur tendre la main », a simplement souligné le curé de la paroisse.

Source : Eglises d’Asie

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