Le pape et les Rohingyas

Le pape et les Rohingyas

Il y a quelques jours le Pape a demandé pardon aux Rohingyas au nom de tous ceux qui les ont persécutés et leur ont fait du mal.

Je me demande si les Rohingyas se sont satisfaits de cette demande de pardon… Est-ce que le pape avait demandé et obtenu la permission de faire, au nom des méchants Birmans, cette demande ? S’il ne l’avait pas obtenue, dans quels quiproquo, confusion et déception supplémentaires ne risque-t-il pas de les avoir plongés… Et surtout, toute demande de pardon, pour être sincère, implique une réparation à la mesure du préjudice.[1] Or, quelle réparation à la mesure des maux endurés le Pape a-t-il pu offrir aux Rohingyas ?[2] Enfin, n’a-t-il pas pris le risque que ― pour cette raison ―, son geste soit interprété comme un moyen de s’acheter à bon compte, et qui plus est sur le dos de ces malheureux, une réputation d’homme charitable ?

Plutôt que d’offrir une telle demande de pardon ― qui accusait en fait le peuple birman et de ce fait l’indisposait à l’égard de l’Église ―, n’aurait-il pas été préférable que François demandât aux Rohingyas de pardonner eux-mêmes à leurs persécuteurs ? Car Jésus ne commande pas seulement de demander pardon à notre prochain lorsque nous l’avons offensé (Mt 5.24), et de réparer pour autant que possible le mal commis (Lc 12.59 ; 19.8), mais encore de pardonner « du fond du cœur » à tous ceux qui nous ont offensés (Mt 18.35)… Est-ce que l’Évangile n’aurait pas alors retenti comme quelque chose de vraiment extraordinaire, surhumain, divin ? Voilà qui aurait été une magnifique leçon d’Évangile, un puissant acte d’évangélisation ! Et cette demande proprement évangélique, que personne n’aurait pu soupçonner inspirée par un autre esprit que celui de Jésus-Christ, aurait encore eu le pouvoir de mettre en évidence l’incapacité où sont les Rohingyas ― en tant que musulmans ― d’y répondre…  

 

 

 

En effet, l’islam trouvant sa gloire dans le rejet de la foi chrétienne ― seul péché qu’Allah ne peut pas pardonner (Coran 4.48) ―, rejette aussi le devoir de pardonner à ses ennemis : « Le talion s’applique à toutes choses sacrées. Donc, quiconque vous offense, offensez-le, à offense égale. (Coran 2.194) » ; « C’est dans le talion que se trouve votre salut, ô vous doués d’intelligence, ainsi atteindrez-vous à la piété !(Coran 2.179) ». 

Une telle demande aurait évité de nourrir l’esprit de victimisation dont raffolent les musulmans à travers le monde, et elle aurait ouvert les yeux de Rohingyas, et de tous, sur le malheur que constitue le fait d’être musulman… et ainsi une pierre de taille aurait été apportée à la résolution du problème des Rohingyas !! Le Pape aurait fait d’une pierre deux coups : d’un côté il aurait montré la vraie nature de l’Évangile, et de l’autre celle de l’islam… L’un ne peut aller sans l’autre pour évangéliser.

Malheureusement, le Pape a préféré continuer à laisser croire qu’être musulman n’était pas en soi un problème, que le problème vient des fondamentalistes qui existeraient « dans toutes les ethnies et dans toutes les religions », en sorte que « nous aussi, les catholiques, nous en avons », comme s’il pouvait y avoir un quelconque point de ressemblance entre l’Évangile et le Coran ! « Quelle union en effet entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Satan ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? (2 Co 6.14-16) »

Ce faisant François met sans doute en pratique l’enseignement qu’il a donné en matière d’évangélisation : ne pas chercher à « convaincre mentalement, avec la raison et l’apologétique », pour préférer escompter sur le travail de l’Esprit-Saint et le témoignage muet de l’évangélisateur… J’avoue ne pas voir comment cet enseignement s’harmonise avec celui des docteurs, apologètes et prédicateurs des temps passés[3], que le pape Paul VI résume ainsi : « Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés. ».[4] Mais il est évident que si les Rohingyas, déjà, « portent en eux le sel de Dieu », on ne voit pas quel intérêt il y aurait à le leur apporter, ni même d’ailleurs ce que serait encore le sel de l’Évangile (Mt 5.13).

Abbé Guy Pagès

[1] « Ce devoir oblige en conscience. (Catéchisme de l’Église Catholique, n°2487, 2412) » ; « Il est louable d’imposer une réparation pour la correction des vices et le maintien de la justice. (Idem, n°2302) ».

[2] Il est vrai qu’à Fatima où il est allé célébrer le centenaire des apparitions, il n’a pas fait non plus la moindre allusion au devoir de réparation, aspect pourtant essentiel des célestes apparitions… D’aucuns pourraient y voir une influence de Luther pour qui croire à la Réparation accomplie par le Christ suffit, sans qu’il soit besoin de mériter son pardon et son salut par de bonnes œuvres.

[3] Cf. Mt 11.1 ; 26.55 ; Mc 4.1 ; 6.34 ; Ac 4.2,10 ; 5.21,28,42 ; 13.38 ; 18.9 ; 28.28 ; 2 Tm 3.16…

[4][4] Evangelii Nuntiandi, n°22. A ce sujet, il n’est pas passé inaperçu  que dans ses discours officiels en Birmanie, François n’a pas une seule fois prononcé le saint nom de Jésus… mais que Aung San Suu Lyi, bouddhiste, a osé le faire, publiquement, devant lui…

 

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