L’édito – La chandeleur de la christianisation des païens à la paganisation des chrétiens.

L’édito – La chandeleur de la christianisation des païens à la paganisation des chrétiens.

Désormais la Chandeleur est, pour beaucoup, la fête des crêpes. Une fête sobre, en famille restreinte, sans cadeaux, le soir à la maison.  Que de traditions ce jour de février aura porté depuis la nuit des temps ! Une constante demeure cependant des celtes aux romains (et au-delà), cette fête est celle de la fertilité et la fécondité. Liée tout à la foi à l’hiver finissant et au retour du soleil, c’est à lui que notre crêpe doit sa forme sphérique et sa couleur dorée. Des fêtes où déjà on processionnait aux flambeaux vers la mi-février.

Pour les chrétiens, selon les Evangiles, Joseph et Marie sont venus accomplir la loi de Moïse quarante jours après la naissance de leur premier né, soit un deux février. Bien entendu, ces dates sont symboliques et portent leurs propres significations religieuses et donc théologiques. La fête de la chandeleur tire son nom populaire de la signification chrétienne du mot, puisqu’il s’agissait de la fête des chandelles, ainsi dénommée en raison de la procession qui ouvrait déjà la célébration liturgique. Une procession qui exprime le cantique même du vieillard Siméon. Dire que les chrétiens ont christianisé une fête païenne est donc légèrement abusif au sens où le deux février tient sa logique non d’une fête préexistante, mais de la date de Noël. En revanche, que les chrétiens aient attiré à eux, les rites païens proches des Lupercales ou d’Imbolc est assez probable. C’est finalement une évangélisation comme une autre, dans la suite de saint Paul voulant christianiser le dieu inconnu d’Athènes.

En outre, il y avait dans l’antiquité tant de jours chômés par les fêtes religieuses, qu’il eut-été bien difficile aux chrétiens de se caser dans les trous. Il y a forcément, compte de tenu de la densité des calendriers liturgiques antiques, une fête religieuse antérieure au christianisme sous presque chaque fête chrétienne.  Cela ne veut pas dire qu’il y a toujours eu récupération, ni que la christianisation ait toujours éradiqué les pratiques antérieures, surtout si elles étaient superstitieuses. Lesquelles superstitions n’étaient du reste pas toujours bien vues des systèmes religieux antiques eux-mêmes. Et c’est parfois plus la superstition que le culte païen qui demeure. Nous en retrouvons ici ou là des modulations, et le Louis d’or de la Chandeleur ou le grigri protecteur du cierge béni en sont quelques avatars dont le dernier nous vaut une affluence peu coutumière le 2 février comme aux Rameaux.

Mais depuis que la déchristianisation s’est installée en Occident, la fête a perdu son lien avec le Christ, pour n’en conserver que la forme solaire païenne et les superstition mises à jour par les siècles. Ne reste, au fond, de la chandeleur que la convivialité simple et un certain ancrage traditionnel. Toutefois, nous pouvons retenir deux choses intéressantes. Tout d’abord, il y a des traditions ancestrales et simples qui demeurent. Et celles qui nous rappellent d’heureux moments de notre enfance sont les plus tenaces. Et cela est à soi seul un chemin d’évangélisation et d’enracinement. Ensuite, la superstition nous dit que pour nombre de contemporain le surnaturel existe et qu’inconsciemment, l’Eglise catholique est perçue comme ayant un pouvoir sur celui-ci. Voilà bien, ce me semble, un paganisme à christianiser.

Cyril Brun,

Rédacteur en chef.

 

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