L’édito – Hors de l’Eglise point de Ciel

L’édito – Hors de l’Eglise point de Ciel

 

Avec le Vendredi Saint, nous entrons dans le cœur de la raison d’être de l’Eglise, le salut. Depuis quelques décennies nous avons orienté le point focal de notre vision sur le Jeudi Saint et l’institution de l’Eucharistie, en sautant à pieds joints vers le samedi soir, vigile de Pâques. Eglise, lieu de l’Eucharistie et de la résurrection, rien n’est plus vrai, mais à condition que le Vendredi Saint demeure le pont de l’un à l’autre. Du Triduum nous ne retenons aujourd’hui que le jeudi, passant rapidement sur le vendredi, ignorant le samedi (qu’on ne comprend plus) pour arriver sur… bizarrerie, le quatrième des trois jours. La Passion n’est plus à la mode, parce que la souffrance n’est plus comprise comme rédemptrice dans un monde globalement hédoniste et orienté vers le sur-humanisme. Il est en effet difficile de comprendre le sens de la Passion quand on évacue la souffrance de la vie humaine. Pourtant, la souffrance est inhérente à la nature humaine dans la mesure où celle-ci est par nature limitée et cela fait partie de sa perfection, c’est-à-dire de ce qu’elle est. Il ne s’agit pas d’exalter la souffrance, ni de la rechercher, mais de ne pas la nier comme réalité et particulièrement comme réalité de notre finitude que nous avons du mal à admettre aujourd’hui. Or qu’est la Passion du Christ sinon l’acceptation de la volonté du Père ? Une volonté non doloriste, mais salvifique. Si le Christ passe par la souffrance épouvantable de la Passion c’est, certes pour nous sauver, mais pour nous révéler aussi à quoi, sans Dieu, c’est-à-dire dans le péché, l’Homme ressemble, à quoi il est livré. Le péché défigure, fragilise, blesse, détruit l’être humain. Mais à refuser cette réalité destructrice, à la nier, à la masquer, nous finissons par prendre le visage défiguré de l’homme, pour l’Homme en plénitude. Le Péché conduit à la mort de l’Homme, comme le Christ nous l’a montré sur la Croix. Mais qu’est le péché sinon la rupture avec la source même de la vie ? Pourquoi le Christ a-t-il placé l’institution de l’Eucharistie avant la Passion ? Pourquoi ne l’a-t-il pas institué au moment d’Emmaüs par exemple ?  Le fil que déroule Jésus place la passion entre l’institution de l’Eucharistie, et la naissance de l’Eglise, pour nous rappeler qu’entre le banquet des noces et l’Eglise il y a la passion.  L’Eglise, née du côté du Christ, est la porte du Ciel à condition qu’elle redonne vie au pécheur défiguré. A l’inverse, l’Eglise n’a pas de raison d’être si elle ne donne pas la source de grâce vivifiante. De même, si la grâce du salut s’obtient indépendamment de l’Eglise, comme on tend à le répandre aujourd’hui, alors à quoi bon l’Eglise, puisque à quoi bon les sacrements ?  Il ne peut y avoir de Résurrection que dans le corps ressuscité du Christ et on n’entre dans le corps ressuscité du Christ que par le baptême, comme on ne s’y maintient que par sa grâce sanctifiante. Le chemin de Croix conduit à la résurrection parce qu’il passe par l’institution de l’Eglise. Ainsi comme le disait saint Cyprien, hors de l’Eglise il n’est point de salut. L’affirmer n’est en rien fermer la porte à ceux qui sont hors de l’Eglise (visible et invisible). Le nier en revanche, c’est rendre l’Eglise catholique inutile et condamner à l’errance ceux qui cherchent le chemin, la vérité et la vie.  Cette affirmation est d’une très grande exigence pour les catholiques, puisqu’elle les oblige à aplanir les routes, non vers un irénisme relativiste, mais vers la source de Vie. Nous perdons malheureusement souvent de vue la nécessité surnaturelle de notre vie et de notre salut, précisément parce que nous avons perdu de vue la réalité naturelle de l’Homme, à la foi terre et ciel. Si Dieu a fait l’homme à son image, nous avons en cet âge matérialiste, redessiné le ciel à l’image de ce siècle. Comme nous voulons passer de l’homme au sur-homme en repoussant les limites humaines, nous imaginons le Ciel comme une super-terre, alors que c’est Dieu même.

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