L’édito – Dans la famille Jeûne, prière, partage, je voudrais l’aumône

L’édito – Dans la famille Jeûne, prière, partage, je voudrais l’aumône

Dans notre société affective, les annonceurs divers savent jouer sur la corde sensible, voire culpabilisante. Finalement nous appelons le don sans nous soucier ni du donneur, ni du lendemain. Et chaque association caritative de se plaindre de vivre dans l’incertitude du don, de la baisse du nombre des donateurs…

C’est le problème du don et de la solidarité tels qu’ils sont conçus aujourd’hui. Remarquez que c’est assez conforme à la société actuelle. Nous vivons dans l’impulsion du moment et « aux successeurs de gérer l’avenir ! »

L’aumône est radicalement différente, car elle implique et engage celui qui donne. L’aumône est plus qu’un acte ponctuel accompli. L’aumône est une disposition habituelle au don, à la générosité, c’est la charité au sens plénier du terme. Aussi la charité pousse à être attentif aux besoins et aux carences d’autrui. Avec l’aumône de charité, je ne choisi pas à qui et quand je vais donner. Je suis prêt à donner à tout instant pour toute personne. Je ne choisi pas mes causes et lorsque je n’ai plus rien à donner, j’ai satisfait aux obligations de l’aumône.

Oui, l’aumône suppose d’abord d’aimer et de trouver sa joie dans le don. La charité ne cherche pas une récompense (fut-ce celle discrète de soulager sa propre émotion), elle cherche à faire sa joie dans la joie de l’autre. L’acte de donner n’est pas faire l’aumône. L’acte de donner n’est que la manifestation de l’aumône. Une telle attitude change radicalement la nature du don. D’abord elle le rend moins instable et aléatoire, puisque ce ne sont pas mes sentiments qui vont commander mon don, mais l’amour désintéressé  de l’autre. Ensuite le don ne sera pas un simple transfert d’un bien ou d’un service d’une personne à une autre, il sera vecteur et porteur d’amour. Même si le pauvre sera déjà heureux de trouver de quoi manger, combien sera-t-il plus heureux d’y trouver chaleur, attention et considération ! Il est toujours difficile de recevoir lorsque l’on est dépendant. Et il est toujours aussi difficile de donner sans blesser. Recevoir non par condescendance (un don peut vous détruire s’il est fait avec orgueil), mais parce que celui qui me donne m’aime, cela, non seulement comble le besoin pour lequel le don est sollicité, mais cela recrée en outre une dignité.

Imaginons maintenant une société où cette aumône serait la norme. Quelle forme prendrait alors la charité ? Quelle forme prendrait alors la solidarité ? Imaginons une société dans laquelle chacun demeure constamment attentif au besoin de l’autre et tente de le satisfaire dès que ses moyens (financiers ou humains) le lui permettent. Pure utopie ! Pourtant c’est une exigence absolue pour un chrétien ‘tu aimeras ton prochain comme toi-même’. Bien sûr le monde est dur et égoïste, mais si moi, à ma place je pratique l’aumône, je travaillerai à rendre heureux ceux qui m’approchent. Je n’ai pas vocation à changer le monde. J’ai un appel impérieux à me changer. Commençons par nous même, n’attendons pas les autres.

« Prête l’oreille au pauvre et rends-lui son salut avec douceur. Délivre l’opprimé des mains de l’oppresseur et ne sois pas lâche en rendant la justice. Sois pour les orphelins un père et comme un mari pour leurs mères. Et tu seras comme un fils du Très-Haut qui t’aimera plus que ne fait ta mère. » Si, 4,9-10

Se décentrer de soi, jusque dans sa générosité, pour ne pas conditionner le don de soi-même à ses envies, trouver sa joie dans la joie de l’autre, cela suppose déjà d’apprendre à aimer et à regarder autour de soi. Bien sûr cela peut apparaître comme fragilisant. Mais ici posons cet acte de foi : Tout concourt au bien de celui qui aime Dieu. Un acte d’amour n’est jamais perdu pour soi même.

« Serre tes aumônes dans tes greniers, elles te délivreront de tout malheur. Mieux qu’un fort bouclier, mieux qu’une lourde lance, devant l’ennemi, elles combattront pour toi. » (cf Si )

Et pour aller plus loin « l’aumône une disposition habituelle au bien »

Cyril Brun, rédacteur en chef

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