L’édito – Le progrès, l’esclavagiste des temps modernes.

L’édito – Le progrès, l’esclavagiste des temps modernes.

 

Il ne faudrait pas confondre progrès et développement. Le langage courant, dans la suite du fantasme d’un progrès sans limite porteur d’un bonheur désormais indestructible de l’humanité, a fait du progrès une idéologie libératrice dont nous sommes revenus depuis quelques années. Le développement est le déploiement de l’existant, perfectionné et amélioré au fil des découvertes scientifiques. Le développement s’enracine dans le réel et le passé comme une fleur tire de ses racines la sève de son épanouissement. Le progrès préfère, lui, les successions de ruptures en conflit permanent avec le passé et donc le présent dont il s’est donné la mission de toujours sauver l’homme, lui promettant un « demain » sans cesse meilleur. Le progrès non seulement nie le passé, comme n’ayant aucun bien suffisamment satisfaisant, mais pose l’homme dans un conflit constant avec son présent, condamné à n’être que le passé périmé d’un demain sacralisé comme nécessairement meilleur.

Il y a une double tyrannie du progrès. D’une part il impose une fuite en avant, jetant l’opprobre sur hier comme sur aujourd’hui. D’autre part, il interdit de facto tout retour en arrière non seulement en faisant table rase du passé, mais en rendant dépendant de l’avenir. Qui refuse le progrès est exclu même du plus élémentaire vital, sans parler de la mort sociale. Qui, aujourd’hui, peut vivre sans les innovations techniques dont le progrès, sensé nous libérer des déterminismes naturels, nous a rendu dépendants ? Il est intéressant de noter que l’homme d’aujourd’hui est beaucoup plus vulnérable vis-à-vis du monde réel naturel que l’homme de Neandertal. Qui, aujourd’hui, sait, sans le bouclier de la technique, se préserver du froid et du chaud, reconnaitre les bonnes plantes, se confectionner une arme ? Combien de temps la majorité de la population tiendrait-elle si subitement la technique disparaissait ?  Le progrès a artificiellement libéré l’homme des contingences naturelles, en le rendant dépendant de lui-même. Ceci pour dire que le progrès scientifique nous a apporté beaucoup, mais il serait aussi intéressant de voir ce que son idéologisation a eu comme effets négatifs sur l’homme.

Alors que les hommes prennent conscience de la vanité du tout progrès, il est important de comprendre que le mythe du progrès est l’une des grandes causes de l’asservissement de la population rendue dépendante d’une fuite en avant qui l’éloigne toujours plus d’une prise de conscience fondamentale : alors que nous basculons dans le tout écolo, les contraintes naturelles, loin d’être un avilissement, sont les conditions de liberté de l’humanité. Il nous appartint de les domestiquer, non de les nier.

 

Articles liés

Partages