L’édito – Logique comptable de l’Eglise, entre prudence et espérance.

L’édito – Logique comptable de l’Eglise, entre prudence et espérance.

A Bruxelles, une efficacité budgétaire, visant à rationaliser les biens de l’Eglise, a conduit au départ d’une jeune communauté dynamique et appréciée, la fraternité monastique de Jérusalem. En France ce sont a priori 17 des 32 séminaires qui vont fermer pour les mêmes raisons de rationalisation financières. L’Assemblée plénière de Lourdes, qui vient de s’achever, avait au menu de ses travaux, les séminaires et les restructurations financières rendues nécessaires par la baisse des revenus de l’Eglise en France. Deux thèmes croisés dont les lieux de formations de nos futurs prêtres risquent bien de faire les frais. Le denier baisse et les lettres des diocèses regorgent d’appels anxieux aux fidèles. Les jeunes donnent moins, les anciens décèdent et certains boycottent le denier pour exprimer leur désaccord avec leur évêque.

Résultat de cette désolation financière, comme tout bon gestionnaire avisé, une coupe budgétaire s’impose. Les séminaires, parmi d’autres restrictions prévues ailleurs, vont donc servir de variable d’ajustement, puisqu’il a été décidé qu’un lieu de formation ayant moins de 17 à 20 séminaristes fermerait. Ce qui en l’état des vocations toucheraient 17 maisons en France. Une décision de prudence, en bon père de famille. Toutefois, tous les diocèses qui, ces dernières années, ont rouvert un séminaire, chez eux, sur leurs terres, ont vu repartir les vocations locales, même s’ils n’atteignent pas la barre désormais fatidique des 17 postulants. Il y a du reste là une logique d’appartenance à l’Eglise locale qui mériterait bien un synode !

Quand la logique comptable prend un ascendant si important dans une question qui relève aussi de la foi en la Providence et de l’espérance, la prudence est-elle encore une vertu ? Les nombreuses expériences de religieux, de saints et même de laïcs engagés, montrent que pourtant quand il s’agit de faire une œuvre de Dieu, la Providence pourvoit toujours en abondance. Certes parfois à l’extrême dernière seconde ! Mais si nous sommes invités à prier pour que le maître envoie des ouvriers à sa moisson, comment imaginer qu’il ne donnera pas le gîte et le couvert à ces ouvriers ? Sans doute vouloir faire une œuvre pour Dieu n’est pas nécessairement faire l’œuvre de Dieu. Mais un séminaire qui dispense fidèlement la vérité du Christ à ses pensionnaires, une église qui abrite des religieux qui portent du fruit ne sont-ils pas nécessairement dans la main de la Providence ? N’y a –t-il pas dans notre logique comptable un manque de confiance et d’abandon et par là un défaut d’adéquation entre notre vie et notre espérance ? Bien entendu ouvrir un séminaire pour trois ou quatre séminaristes pourrait paraître exagéré. Et encore, combien d’œuvres commencent petitement et patientent longuement avant d’éclore ? Mais quelle serait alors la bonne barre fatidique ?

Ce qui vaut pour ces grandes questions pastorales de l’Eglise institution, ne vaut-il, pas du reste de notre propre gestion quotidienne, nous dont les choix de vie ou de profession sont (parfois) plus proches de la logique comptable que de la logique divine. Notre sagesse prudentielle se révèle parfois un manque de confiance en Dieu et nous donnons à la première partie de l’adage, « aides-toi et le ciel t’aidera » une place dont l’hypertrophie pourrait bien cacher un réflexe sécuritaire bien loin de l’abandon et de la confiance.

Quand la logique comptable étouffe l’espérance qu’en est-il donc de notre foi ?

 

Cyril Brun, rédacteur en chef

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