L’édito – Quand les opinons étouffent les convictions

L’édito – Quand les opinons étouffent les convictions

 

Le langage courant dit beaucoup d’une société et d’une personne en particulier. Dans notre monde actuel, le sens des mots s’est considérablement appauvri, favorisant l’à-peu-près, l’amalgame et le relativisme. Qu’est-ce qu’un à-peu-près sinon une vague notion ou une position suffisamment floue pour ne pas être arrêtée ? Qu’est-ce que le relativisme sinon une notion dont la netteté est fluctuante et dont les contours peuvent facilement s’effacer au profit d’une autre notion plus ou moins floue ? Qu’est-ce qu’un amalgame sinon prendre un bout d’une notion A et un bout d’une notion B pour conclure que A et B sont C, sans tenir compte des autres bouts de A et de B ? C’est ainsi que se forgent des opinions dont le langage courant s’est peu à peu habitué à entendre le côté relativiste, puisque chacun peut se forger son opinion. L’expression « forger son opinion » est elle-même le fruit de ces à-peu-près puisque forger suppose un assemblage solidaire et rigoureux de parties elles-mêmes solides. Tout le contraire de ce qu’on estime aujourd’hui être une opinion, devenue par nature personnelle, un peu comme on s’excusera de penser par soi-même. A l’inverse, avoir des convictions suppose des certitudes, des notions claires et une vision lucide des choses et de leurs contours, afin justement de ne pas amalgamer ce qui ne peut l’être et de forger ce qui doit l’être.

Ainsi, dans le débat politique, nous voyons des hommes et des femmes avec leurs opinions qu’ils ne veulent pas imposer à la majorité. Dès lors, nous pouvons, à titre personnel, avoir une position, mais comme élu en voter une autre. Tel est le grand enjeu de notre monde et la ligne de fracture entre l’homme de conviction et l’homme d’opinion. Telle est le roc qui forge les catholiques convaincus autour desquels s’émoussent diverses opinions sans cesse en mouvement. L’enjeu culturel et politique qui est le nôtre n’est rien moins que de démontrer la voie sans issue des opinions et leurs manques de fondements et dans le même temps de transformer les opinions fragiles en convictions. Notre monde perd le sens du bien, parce qu’il a perdu l’enracinement des convictions. Si nous sommes appelés à nous battre pour nos convictions, n’oublions pas que nous luttons contre des opinions, c’est-à-dire contre une majorité qui trouve sa force dans le seul fait d’être un ventre mou toujours plus gros. Aussi, se battre sur le terrain du rapport de force, par nature non chrétien, est voué à l’échec car par-là, nous ne nourrissons pas de convictions nos adversaires. Au contraire nous les gavons de relativisme. Ne cherchons pas à gagner des opinions favorables, mais à crever ce ventre mou pour transformer l’opinion en roc de convictions.

 

Cyril Brun, rédacteur en chef

 

 

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