La loi divine règle d’abord les rapports entre les hommes et Dieu, avant les rapports des hommes entre eux. Mgr Colomb

La loi divine règle d’abord les rapports entre les hommes et Dieu, avant les rapports des hommes entre eux. Mgr Colomb

Qui est notre Dieu ?

Voilà la Loi que Dieu donne à son peuple. Cette loi règle d’abord les rapports entre les hommes et Dieu, avant de s’occuper des rapports des hommes entre eux.

Dans un monde marqué par le polythéisme, chacun de nous doit entendre l’injonction “Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole.”

Ne pensons pas que ce commandement ne nous concerne plus ! Nos dieux, nos idoles, se multiplient au contraire! Ils ne s’appellent plus Baal. Ils s’appellent technologie, science toute puissante, rêves d’immortalité, accumulation de richesses. A chaque fois que notre conscience est toute entière absorbée de façon durable, voire permanente ou répétitive par une addiction (le jeu, la drogue, le sexe, la recherche de la fortune et les rêves de toute puissance) nous nous fabriquons des idoles et nous sommes réduits en esclavage dans notre Egypte intérieure.

Cette Egypte, c’est aussi celle des images de Dieu qui viseraient à nous approprier l’être même du divin pour l’asservir à notre désir. Il y a les images matérielles, bien entendu, mais il y a aussi toutes les images mentales que nous portons en nous-même…

Or, si Dieu est jaloux, c’est de liberté des hommes, de leur bonheur et de leur dignité. “Je suis un Dieu jaloux” cela ne doit pas se comprendre à vue humaine. La jalousie de Dieu n’a rien de commun avec la mesquinerie des hommes et, là encore, avec leur désir de possession. La jalousie de Dieu est amour de l’homme, de sa dignité, de son devenir. Elle vise à nous faire grandir.

La loi règle aussi les relations des hommes entre eux dans la société. Le repos du sabbat concerne tout le monde “ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville… ne feras aucun ouvrage”. Il serait bon de s’en souvenir quand nous souhaitons l’ouverture des commerces le dimanche, le travail 7 jours sur 7 et pourquoi 24h/24, là encore pour satisfaire nos envies et servir nos idoles ! Le repos du sabbat est temps donné à Dieu pour rendre grâce, faire mémoire de notre histoire sainte et finalement nous resituer à notre place… humaine.

La juste relation à Dieu entraîne comme évidences la fidélité, le bannissement du meurtre, du vol, du faux témoignage autant de signes du respect du prochain et de l’amour à venir. Car la loi de Dieu “clarifie le regard” et rend “sage l’impie”. Nos sociétés sécularisées ne seraient-elles pas bien inspirées de rappeler les commandements de Dieu ? Les incivilités, la vulgarité reculeraient sans aucun doute !

Où est Dieu ?

Dieu est bien l’Autre, le tout Autre et il serait vain d’essayer de projeter sur lui nos pensées. Les grecs sont réputés pour leur sagesse aujourd’hui encore et les juifs, dépositaires de l’espérance messianique, imaginaient un Messie tout puissant, faiseur de miracles et capable d’anéantir les ennemis d’Israël. Or la volonté de Dieu était toute autre. Elle est aujourd’hui encore “scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes”. Que la réponse d’amour de Dieu à l’attente des hommes se trouve dans “un messie crucifié” a dû être une épreuve terrible pour l’apôtre Paul, lui le juif érudit, fin connaisseur de la Loi comme du monde hellénique et de sa sagesse. Il aura fallu la rencontre sur le chemin de Damas avec le Ressuscité, il aura fallu aussi du temps consacré à la prière, à la méditation, au repentir – un long chemin de Carême – pour comprendre que c’est par la Croix que se révèle l’inouï de l’amour de Dieu.

Reconnaissons-le, nous qui ne sommes ni juifs ni grecs, nous qui sommes baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, combien de fois rencontrons-nous en nous-même et dans nos proches le scandale de la Croix ?

S’il est une conversion, c’est bien celle-ci et elle est l’œuvre de toute une vie. Reconnaître Dieu dans le crucifié, reconnaitre que “ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu”. Quel chemin, quelle aventure, quels renoncements à toutes nos idoles, à nos rêves de toute puissance !

Et c’est vrai. Et c’est possible. Paul dira un jour “pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde” (Galates 6,14).

Aujourd’hui la croix est partout, dans nos vies personnelles comme dans nos sociétés. Où est Dieu dans les bombardements et la violence du terrorisme ? Où est Dieu pour les 20 SDF qui Sont morts de froid dans la rue en Europe il y a quelques jours ? Mais Dieu est là. Dieu est dans l’enfant qui meurt, dans les parents qui pleurent, dans le pauvre qui a faim et froid… Dieu est là, infiniment humble, pauvre, blessé… Dieu va se révéler si nous entrons en capacité d’amour illimitée face à ce déferlement de haine ou d’indifférence.

Les philosophes, les penseurs juifs, se sont beaucoup interrogés après la guerre “Où était Dieu à Auschwitz?” Elie Wiesel, racontant l’enfer vécu du camp et l’agonie interminable d’un enfant dira avoir entendu en lui cette réponse à la question “Où donc est Dieu?” “Et je sentais en moi, dit-il, une voix qui répondait : – Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence…” (Elie Wiesel – La nuit 1983)

Jésus Christ : temple de Dieu

Le temple de Dieu, l’unique sanctuaire, c’est le corps même de Jésus, c’est le corps même de l’homme – vraie demeure de Dieu, loin de la splendeur rêvée par Salomon. Certes Jésus respecte le Temple de Jérusalem. C’est au cœur de ce Temple qu’il fut reconnu par le vieillard Siméon et par Anne la prophétesse comme le “Salut d’Israël” et “l’accomplissement des promesses”. C’est là encore qu’il vient fêter la Pâque avec ses disciples.

Se tenir dans le Temple, comme aujourd’hui se tenir dans l’Eglise devant Dieu présent dans le Saint Sacrement, demande, à minima, une attention pure, le respect du lieu et de la Présence qui s’y manifeste. Mais la pointe du récit de Jean n’est peut-être pas dans ce mouvement de colère, si rare, de Jésus. Tout ce peuple de marchands, de changeurs de monnaie, était finalement utile aux pèlerins, comme le sont les commerçants de Lourdes ou d’autres sanctuaires. Tout ce qui pouvait leur être reproché, c’était de s’être approprié l’esplanade du Temple alors qu’ils auraient dû demeurer dans la périphérie de la ville.

Notons que lorsque Jésus parle du Temple il dit : “la maison de mon Père”, se définissant ainsi comme bien plus qu’un prophète. C’est donc bien légitimement que “les juifs” interrogent Jésus – Il s’agit des Juifs sceptiques qui n’avaient pas reconnu Jésus le Christ, car ils étaient tous juifs – : ” Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ?” La réponse de Jésus est tellement déroutante qu’elle ne pourra être comprise par les disciples qu’après la Résurrection : “Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai”.

Jean nous précise : il “parlait du sanctuaire de son corps”. Corps de chair et de sang, et nous en serons témoin lors de la crucifixion, mais il s’agit aussi de sa présence dans l’Eucharistie : “ceci est mon corps, ceci est mon sang”. Jésus devient le seul lieu de l’authentique rencontre entre Dieu et les hommes. Le Temple de l’Alliance nouvelle, c’est Jésus Christ lui-même, unique médiateur. “Il n’y a qu’un seul Dieu ; il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus” dira Paul dans sa première lettre à Timothée (1Tm2, 25).

Ce Temple-là a connu la mort et la résurrection et plus personne ne peut nous l’arracher. C’est la foi qui a porté les disciples tout au long de l’histoire et jusqu’aujourd’hui aux confins de la terre. Ce Jésus mort sur le bois de la croix, est pour nous, pour tous les hommes, le signe du Père, le lieu de la rencontre, l’œuvre accomplie et parfaite de l’amour.

Et moi où suis-je en ce temps de Carême ? Suis-je sur l’esplanade avec les marchands qui usurpent une place qui ne leur appartient pas ? Suis-je dans un temple de pierre devant des statues de marbre à invoquer un dieu à mon image et selon mes désirs ? Où suis-je dans la rencontre vivifiante du Christ, dans le dialogue d’amour qui est avant tout écoute de l’Aimé ? Où suis-je ?

“Dans l’acte même de cette Rédemption, disait le saint pape Jean-Paul II, l’histoire de l’homme a atteint son sommet dans le dessein d’amour de Dieu. Dieu est entré dans l’histoire de l’humanité et, comme homme, il est devenu son sujet, l’un des milliards tout en étant Unique. Par l’Incarnation, Dieu a donné à la vie humaine la dimension qu’il voulait donner à l’homme dès son premier instant, et il l’a donnée d’une manière définitive, de la façon dont Lui seul est capable, selon son amour éternel et sa miséricorde, avec toute la liberté divine…”. Tenons-nous prêts à recevoir ce don inestimable !

Homélie du 3e dimanche de Carême – 4 mars 2018,

Mgr Colomb, évêque de la Rochelle

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