Manipulation – Benoit XVI demande qu’on publie l’intégralité de sa lettre… la morale de tout ça est bien triste

Manipulation – Benoit XVI demande qu’on publie l’intégralité de sa lettre… la morale de tout ça est bien triste

La lettre de Benoît XVI à Mgr Viganò (photo) a défrayé la chronique et pas seulement dans la presse catholique. C’est un scandale qui tâche le pontificat du pape François, parce qu’il montre que ces collaborateurs ne reculent devant rien. Rappel des faits.

Le 12 janvier, Mgr Viganò, préfet du secrétariat pour la communication du pape, écrit à Benoît XVI pour lui demander « une page théologique courte et dense » sur 11 petits volumes qui encensent la théologie pratique du pape François.

Le 7 février, Benoît XVI répond par une lettre dont l’enveloppe porte l’indication : « Personnelle – Réservée ».

Le 12 mars, soit plus d’un mois après, mais veille du 5e anniversaire du pontificat du pape François, Mgr Viganò fait une présentation à la presse des fameux 11 volumes, et lit tranquillement la lettre de Benoît XVI par laquelle le pape émérite, souligne le Vatican, fait l’éloge de son successeur et souligne la continuité entre les deux pontificats. Tout le monde comprend que Benoît XVI a écrit cette lettre à l’occasion du 5e anniversaire de l’élévation au souverain pontificat de son successeur. Toute la presse tombe dans le panneau et souligne la bénédiction apportée par Benoît à François. Il en est fini de la discontinuité apparente entre les deux papes…

Mgr Viganò communique aussi une photo de la lettre, où étrangement les deux dernières lignes de la première page sont floutées, et où tout le texte de la deuxième page, hormis la signature, est caché par… la pile des 11 volumes. L’Associated press s’étonne du procédé, indiquant que cela ne se fait jamais de flouter ainsi une photo. Face aux protestations, le Vatican publie le 13 mars le texte « intégral » de la lettre, dans lequel Benoît XVI dit qu’il n’écrit que sur les livres qu’il a lus et qu’il a autre chose à faire que de lire ceux-là. Et le texte se termine ainsi :

« Je suis sûr que vous comprendrez et je vous salue cordialement. »

C’est une nouvelle dissimulation de la communication du Vatican, qui s’enfonce dans son mensonge. Le 17 mars Sandro Magister fait remarquer que la position de la signature sur la seconde page laisse entendre que le texte au-dessus est bien plus long que ce qui a été communiqué, et que selon ses sources ce paragraphe serait une vive critique de certains auteurs des 11 volumes. Six heures plus tard le Vatican, sur demande de Benoît XVI selon Jean-Marie Guénois, publie enfin la vraie lettre intégrale… Et là c’est la stupeur générale. On s’aperçoit alors que le sens général de la lettre est exactement l’inverse de ce que Mgr Viganò a fait croire, que Benoît XVI s’indigne qu’on lui demande de faire l’éloge d’un texte écrit par un théologien qui a violemment attaqué le magistère, et l’on s’aperçoit aussi que dans la dernière phrase on avait enlevé le mot « refus » :

« Je suis sûr que vous comprendrez mon refus. »

Voici donc l’intégralité de cette lettre :

Benedictus XVI
Papa Emeritus

Rev.mo Signore
Mons. Dario Edoardo Viganò
Préfet du Secrétariat pour la communication

Cité du Vatican
Le 7 février 2018

Monseigneur,

Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de Roberto Repole.

J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.

Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.

Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons physiques, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus que d’autres engagements que j’ai déjà accepté m’attendent.

Ce n’est qu’à la marge que je veux faire mention de ma surprise devant le fait que parmi les auteurs figure aussi le Pr Hünermann, qui au cours de mon pontificat s’est illustré en prenant la tête d’initiatives anti-papales. Il participa de manière significative à la publication de la Kölner Erklärung [déclaration de Cologne] qui, relativement à l’encyclique Veritatis splendor, attaqua de manière virulente l’autorité magistérielle du pape, spécialement à propos des questions de théologie morale. En outre l’Europäischen Theologengesellschaft [l’association des théologiens européens] qu’il a fondée fut initialement conçue par lui comme une organisation en opposition au magistère papal. Par la suite, le sens ecclésial de nombreux théologiens a empêché cette orientation, faisant de cette organisation un instrument normal de rencontres entre théologiens.

Je suis sûr que vous comprendrez mon refus et je vous salue cordialement.

Bien à vous,

Benoît XVI

La lettre ne laisse donc pas entendre que François est un remarquable théologien, elle dit seulement qu’il a reçu « une profonde formation philosophique et théologique », ce qui n’est pas du tout la même chose. D’autre part, l’expression « continuité intérieure entre les deux pontificats » ne veut rien dire : un pontificat s’exprime par le magistère, et le magistère est forcément « extérieur », public. Il n’existe pas de « pontificat intérieur ». Cette ironie de Benoît XVI s’explique par le dernier paragraphe de son courrier. Ce paragraphe dont on comprend maintenant pourquoi Mgr Viganò a voulu le censurer.

Source

Que cela se passe au Vatican nous laisse sans voix…

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