Mgr Grua (Saint-Flour) : la pédophilie dans l’Eglise “une prise de conscience douloureuse”

Mgr Grua (Saint-Flour) : la pédophilie dans l’Eglise “une prise de conscience douloureuse”

Les nouveaux scandales de pédophilie révélés ces dernières semaines égratignent un peu plus l’image de l’Église et de son clergé. Quel regard porte Mgr Grua, évêque de Saint-Flour, sur cette actualité complexe ?
La « lettre du pape François au peuple de Dieu », publiée fin juillet, fait suite aux révélations d’abus sexuels commis par plus de 300 prêtres en Pennsylvanie, aux États-Unis. Un scandale de plus. Le souverain pontife appelle l’Église à réagir et les catholiques à sortir du silence.

Ce texte figure au sommaire du bulletin diocésain du Cantal, à paraître en septembre. Une publication locale, comme une « prise de conscience douloureuse », explique l’évêque du diocèse de Saint-Flour, Mgr Bruno Grua. Dans ce contexte tendu, il répond à nos questions.

Chaque déplacement du Pape à l’étranger s’accompagne d’une demande de « pardon » aux victimes, face aux « crimes ignobles » couverts par le clergé, comme dernièrement en Irlande. Pourquoi est-ce si compliqué de briser le silence ?

« Je suis sensible à ce que dit le pape. L’une des raisons selon moi qui font qu’il y a toutes ces difficultés, vient d’une forme de cléricalisme. Dans l’esprit de beaucoup de gens, le prêtre est intouchable. On en a tellement une image fanstasmée, c’est le Bon Dieu en personne ou presque, qu’on laisse des situations s’aggraver, perdurer sans rien dire. C’est une difficulté que je rencontre ici. Les gens peuvent dire des choses à tel ou tel, mais à moi, ils ne me diront jamais rien. Ça n’aide pas à régler les problèmes ».

Le père Vignon, prêtre au diocèse de Valence, habité par le sentiment « d’avoir fait son devoir », a lancé une pétition appelant le cardinal Barbarin, soupçonné d’avoir couvert les actes d’un prêtre pédophile,  à démissionner. Qu’en pensez-vous ?

« Il faut laisser la justice suivre son cours (le procès doit débuter en janvier 2019, NDLR). L’Église a ses propres procédures. L’une des choses que l’on reproche au cardinal Barbarin, c’est d’avoir interrompu la procédure canonique. En réalité, il y a un accord qui a été trouvé entre le gouvernement français et la conférence des évêques de France. Concrètement, une procédure canonique n’intervient pas avant la procédure civile. On pourrait imaginer des bidouillages, pour éviter que des choses ne sortent. C’est sur cet accord que s’est fondé le cardinal Barbarin pour suspendre la procédure canonique pour laisser faire la justice civile ».

Dialogue avec les paroissiens, à la chapelle Saint-Louis de Fraissinet. 
Cette initiative du père Vignon ne répond-elle pas à une attente des victimes d’abus sexuels ? À une volonté de transparence dans l’Église ?

« Oui, mais après il faut savoir comment on la gère. Quand je dis que personnellement j’aurais préféré attendre l’issue de la procédure civile, ça ne va pas contre la transparence. Je ne la regrette pas. Un certain nombre de difficultés sont sur la place publique. Une forme du cléricalisme consiste à mettre tout sous le tapis et de le cacher. On est en train de sortir de ça. Du coup, il faut l’assumer. Sur cette question d’ailleurs, le Pape est très courageux. Et il le paye. Certains courants conservateurs le prennent très mal. Mgr Carlo Maria Vigano, ancien nonce apostolique aux États-Unis, l’accuse d’avoir couvert un cardinal et l’invite à démissionner. Autour de cette question sur la pédophilie qui nous fragilise, la branche ultratraditionaliste de l’Église, essaie de le déstabiliser. C’est clair ».

Êtes-vous, dans votre diocèse, interpellé sur des cas de violences sexuelles ?

« J’ai reçu des lettres et des personnes. Mais cela se compte sur les doigts d’une main, où d’une demi-main. Et pour des faits très anciens. Il n’y a pas à l’heure actuelle d’action en justice ou d’enquête menée à l’encontre d’un prêtre sur le diocèse. Et je rappelle que ma porte est ouverte à tous les paroissiens qui souhaitent me parler ».

Est-ce qu’un jour, les révélations sur les violences sexuelles au sein de l’Église catholique cesseront ?

« Je serais tenté de dire que ça va durer jusqu’à la fin des temps. On ne pourra jamais affirmer que c’est éradiqué à 100 %. On peut faire des efforts pour la formation des clercs, leur donner un style de vie qui les laisse moins seuls, mais la nature humaine reste la nature humaine. Je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine, mais il y a des failles psychologiques profondes qui font que, peut-être, ensuite, tel ou tel va choisir les lieux où ils peuvent être en contacte avec des jeunes. Qu’il y est en tout cas, dans la formation des religieux et des religieuses, à intégrer ces questions-là, sûrement. Mais il y aura toujours des problèmes et pas que dans l’Église ».

David Allignon

Source : La Montagne

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