Rapport de la CIASE: une analyse critique

Rapport de la CIASE: une analyse critique

Peut-on critiquer la démarche et la méthodologie du rapport de la CIASE concernant les abus commis dans l’Église sur les mineurs ? C’est ce qu’admettent les membres de l’Académie catholique de France qui a publié une étude critique de ce rapport. Les travaux de cette institution sont encore peu connus, mais il mériteraient d’être lus.

On se contentera de quelques extraits qui soulignent les impasses des solutions proposées:

Cependant le rapport de la CIASE, en dépit de son volume, ne remplit que très partiellement ce cahier des charges dont il s’éloigne par ailleurs de troublante façon.
Une remarque s’impose d’abord sur les conditions de sa publication. S’il a été remis au Président de la Conférence des évêques et à la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, il était adressé à l’opinion avec une date annoncée longtemps à l’avance, et la publication d’un chiffre : 330 000 victimes. C’était le premier mandat de la Commission que de documenter l’ampleur et la gravité des abus, mais l’annonce sans précaution d’un tel chiffre, que l’opinion prit bien sûr comme la somme des faits établis, dispensa les commentateurs de la lecture d’un document considérable.

On y retrouve une analyse critique de la notion de responsabilité collective – c’est ce qui ressort de l’a priori du rapport de la commission Sauvé -, mais aussi des difficultés à établir une responsabilité individuelle de l’évêque en raison de faits commis par les prêtres : le dispositif relatif à la responsabilité du commettant est en effet difficilement transposable

En réalité, ce mécanisme de responsabilité collective s’appuie sur l’idée qu’il y aurait à l’origine de ce désastre un ensemble de dysfonctionnements, révélateur d’une défaillance « systémique ». Mais là encore l’affirmation suscite le doute. En quoi devrait-on trouver juste de faire supporter les fautes de quelques-uns par d’autres qui n’y ont en aucune manière contribué ? En témoignent les remarques de sœur Véronique Margron, présidente de la CORREF (Conférence des Religieux et Religieuses en France), qui se demande pourquoi les congrégations féminines devraient avoir à payer pour des actes le plus souvent commis par des hommes, et dont ces femmes ont pu elles-mêmes être victimes. Il y a lieu par conséquent de réfléchir à un principe d’attribution des dommages moins sommaire, qui reste fidèle aux responsabilités concrètes et ne soit pas source de nouvelles injustices.

(…)

D’une part, la responsabilité du commettant ne peut être engagée que sur la base d’un lien de préposition démontré entre lui-même et l’auteur du dommage. Un prêtre diocésain peut-il être tenu pour le préposé de son évêque ? Contrairement à ce qui est affirmé, il est inexact qu’aucune jurisprudence ne soit venue trancher cette difficulté. Certes, celle-ci n’est pas très fournie, la question n’étant pas fréquente. Mais elle est très claire et elle est constante : le prêtre n’est pas le préposé de son évêque. En effet, le commettant est celui qui confie une tâche à son préposé (au sens propre : qui commet le préposé à une tâche déterminée) en lui fixant un objectif à atteindre mais aussi les moyens d’y parvenir, de telle sorte qu’il conserve la maîtrise de l’activité qu’il a déléguée. Il est en effet constamment enseigné que l’indépendance d’un professionnel dans l’exercice de sa mission est incompatible avec l’existence du lien de préposition. C’est la raison pour laquelle par exemple les professions libérales ne peuvent être, sauf exception, placées dans un rapport de préposition, de même qu’un mandataire n’est pas le préposé de son mandant ou un entrepreneur le préposé du maître de l’ouvrage : ils sont libres de la manière dont ils organisent leur travail. Analogiquement, l’évêque qui confie une paroisse à un curé ne décide pas par quels moyens sera assurée cette mission pastorale, il ne conserve pas la maîtrise de l’activité du prêtre placé sous leur autorité.

On pourra lire l’ensemble de cette étude critique et argumentée ici.

 

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