Sentiment humanitaire et responsabilité politique à propos de l’accueil des migrants

Sentiment humanitaire et responsabilité politique à propos de l’accueil des migrants

De Jacques Rollet, philosophe et politologue, dans France-catholique:

L’affaire de l’Aquarius, ce navire transportant 629 Africains [1], fait l’objet depuis plus d’une semaine de commentaires multiquotidiens de tous les médias qui suscitent le sentiment d’indignation à l’égard de Matéo Salvini et du gouvernement italien. Je n’ai pas beaucoup entendu par contre d’indignation à l’égard des « passeurs » qui font payer ces personnes [2]. Les représentants de l’ONG SOS Méditerranée n’en parlent pas davantage alors qu’ils font leur jeu.

Tout cela demande une réflexion sur ce qu’est la gestion politique de la migration qui ne peut se réduire au sentiment humanitaire qui tend à se confondre avec une vision primaire de la charité chez les chrétiens bien pensants « nouveau style ».

1° La notion d’accueil occupe aujourd’hui tout l’espace de la réflexion si l’on peut employer ce mot pour le cas qui nous occupe. Nous sommes en présence de ce que le philosophe Vincent Descombes dans son texte de référence : Le raisonnement de l’ours « (voir le livre qui porte ce titre, Seuil) appelle : comportement fanatique ou monomaniaque. Il fait référence à la fable de La Fontaine : L’ours et l’amateur de jardins. L’ours qui veut protéger un vieillard à l’égard des mouches prend une pierre énorme et tue l’homme en même temps que la mouche. Il y a eu erreur en matière d’agir. La disproportion s’avère mortelle ! de même, le sentiment humanitaire représente l’énorme pierre de l’émotion qui tue toute réflexion possible sur ce qu’est la responsabilité politique. La conviction fait ici obstacle à la responsabilité comme l’avaient dit Weber et Aron.

2° Le pouvoir politique est institué pour gouverner une nation dans les limites d’un territoire. Il est en démocratie ,responsable devant ses concitoyens. Or ceux-ci dans de nombreux pays de l’Union européenne demandent davantage de fermeté à l’égard de l’afflux de migrants qui pour la plupart d’entre eux ne relèvent pas du droit d’asile. Ce sont , pour la France et l’Italie, essentiellement des Africains qui ne sont pas menacés chez eux sauf les Érythréens et les Soudanais. Quand on sait qu’il y aura deux milliards d’Africains dans trente ans, on peut se demander si certains ont la moindre capacité d’anticipation. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui s’indignent de la monté de l’extrême droite en Europe. Tout mouvement politique avec qui ils sont en désaccord est nommé par eux : extrême droite. C’est aussi aberrant que de parler à tout propos d’ultra libéralisme en France alors qu’il n’y a pas un seul parti libéral en France. [Note de F. DUPAS : remarquons néanmoins que le libéralisme reste la matrice idéologique de la république française]

3° Il ne faut pas confondre pitié et charité, ni charité et justice. La pitié est un sentiment. Elle relève de l’émotion qui demande à être prolongée par la réflexion et la charité qui est la démarche d’amour théologal à l’égard de l’autre, demande à être régulée par la justice dans le domaine de la gestion de la cité. La justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. IL faut rendre au citoyen ce qui lui est dû, c’est-à-dire une gestion responsable de ceux qui ne le sont pas, à savoir les étrangers. Il faut accueillir ceux qui sont persécutés et travailler au développement économique de l’Afrique en n’oubliant pas de sanctionner les chefs d’États qui détournent à leur profit l’argent public !

4° Tout cela devrait susciter la réflexion des catholiques qui au nom des bons sentiments sont en train de devenir la partie croyante des « bobos « et on aimerait qu’une certaine presse officiellement catholique ne les encourage pas…

[1] Selon un correspondant en Espagne de l’AFP, cité le 18 juin par Paris-Match, plus de la moitié voulaient faire une demande d’asile en France.
[2] Le prix payé aux passeurs par chaque personne recueillie par l’Aquarius serait, selon Renaud Girard, fameux grand reporter au service étranger du Figaro, de l’ordre de 3000 €.

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