“Transmettre l’héritage de la foi”, entretien avec Mgr Jedraszewski

“Transmettre l’héritage de la foi”, entretien avec Mgr Jedraszewski

Propos recueillis par Christophe Geffroy et traduit du polonais par  la NEF

Mgr Marek Jedraszewski a été évêque auxiliaire de Poznan (1997-2012), puis archevêque de Lodz (2012-2016) ; il est depuis janvier 2017 archevêque de Cracovie. Nous le remercions vivement d’avoir accepté de répondre à nos questions.

La Nef – Nous allons fêter en novembre 2018 le centième anniversaire de la renaissance de la Pologne en tant que nation : que vous inspire cet anniversaire ?
Mgr Marek Jedraszewski – Il ne s’agit pas de la renaissance de la Pologne en tant que nation. La nation polonaise existe et a perduré depuis 966 car la Pologne est l’un des rares pays en Europe qui peut dire que l’adoption de la chrétienté marque à la fois le commencement de son histoire en tant que nation et le début de son histoire en tant qu’État. Pendant les 123 ans où elle fut partagée entre différentes puissances européennes (1795-1918), la Pologne n’existait pas comme entité étatique et c’est l’Église qui endossa, en quelque sorte, la responsabilité de la défense de l’identité nationale et culturelle, devoirs qui incombent normalement à l’État. Grâce à cela la Pologne a toujours existé en tant que nation et des soulèvements successifs ont eu lieu tout au long de l’époque des partages, pour retrouver l’indépendance perdue. Il y a cent ans, les circonstances ont permis à la Pologne de se trouver à nouveau sur les cartes d’Europe en tant qu’État indépendant. C’est le motif des grandes célébrations et des grandes joies que nous vivons actuellement et qui culmineront le 11 novembre 2018.
Le but de ces cérémonies du centenaire du recouvrement de l’indépendance, n’est pas uniquement de célébrer la joie des Polonais des générations antérieures, ceux de 1918, mais de jeter un regard honnête sur notre histoire difficile au cours de ces cent dernières années car, dans les faits, la Pologne fut vraiment libre à peine 20 ans de 1918 à 1939. Ensuite, un nouveau partage de la Pologne fut perpétré par l’Allemagne nazie et la Russie bolchevique, puis un autre par les gouvernements communistes jusqu’en 1989 officiellement (mais les troupes soviétiques sont restées en Pologne jusqu’en 1993). Les conséquences de ce système se font encore sentir. Ce regard critique et en profondeur sur les cent dernières années, nous oblige encore davantage à considérer avec admiration et reconnaissance les générations successives de Polonais qui ont lutté pour la liberté de la Pologne mais il nous oblige aussi, puisque nous avons maintenant conscience de notre pleine souveraineté et de notre entière responsabilité envers notre pays, à prendre en mains l’avenir de notre Patrie afin d’en faire le bien commun de tous les Polonais.

Quelle est la place de la religion catholique en Pologne ? Et comment résumeriez-vous la situation actuelle de l’Église polonaise ?
On ne peut comprendre la Pologne sans comprendre aussi la signification fondamentale du christianisme dans son histoire. Cela concerne les débuts mêmes de l’histoire de notre nation et de notre État. Ces trois éléments (Église, nation, État) ont toujours été étroitement liés et, pendant les périodes où l’État polonais fut liquidé ou bien très limité, c’est justement l’Église qui a assumé ces importants devoirs, afin de sécuriser le bien commun des Polonais : leur culture, leur identité et leur espoir. Et rien de ce qui fait notre histoire, et donc notre passé, n’est devenu moins actuel aujourd’hui. L’Église en Pologne, faisant face à de nouveaux défis, s’applique à transmettre ce grand héritage de la foi chrétienne aux générations suivantes : elle cherche à ce que ce message chrétien et cette invitation à la liberté responsable éclairent ce qu’il faut faire aujourd’hui afin de ne pas s’éloigner de la Vérité de l’Évangile, de la vérité de cette forme de la vie conjugale, de la vie de famille qui est clairement tracée dans l’Évangile du Christ. C’est notre plus grand combat : le soin des époux, de la famille et, par là, le soin du peuple polonais, parce qu’aussi longtemps que le peuple polonais sera attaché à l’Église et à la chrétienté, il restera fidèle aux racines les plus profondes de sa tradition et de son identité.
La situation actuelle de l’Église polonaise, c’est la situation d’une Église qui ne veut pas renoncer à l’union avec le Saint-Siège. C’est un défi pour accorder une attention pastorale spéciale aux enfants et aux jeunes, afin que le dimanche reste un jour vraiment consacré au Seigneur et pour que notre vie quotidienne à tous – enfants, jeunes et adultes – soit imprégnée de prière. Actuellement il est difficile de pouvoir parler d’un enracinement durable et profond de la foi chrétienne dans le peuple.

L’Europe occidentale, qui n’a pas souffert depuis la Seconde Guerre mondiale à la différence de l’Europe de l’Est, est totalement sécularisée au sein de sociétés libérales et consuméristes : comment analysez-vous cette situation ? Quel rôle la Pologne pourrait-elle jouer dans un tel contexte ?
Dans la doctrine sociale de l’Église, surtout avec Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape actuel, on peut trouver beaucoup de passages très justes démontrant le caractère hostile au christianisme des sociétés libérales et consuméristes. Il y a dans ces sociétés une manière de penser très spéciale et une façon de vivre comme si Dieu n’existait pas. D’une part, il n’y a pas de point de référence permanent pour penser dans notre système de valeurs et, d’autre part, ces sociétés libérales, pour lesquelles le but de la vie est de posséder le plus possible et à tout prix, aspirent à un mode de vie totalement atomisé. Notre expérience en Pologne est, au contraire, celle de la solidarité. Je ne pense pas ici uniquement au syndicat Solidarnosc qui fut fondé en 1980, mais à la solidarité avec un petit « s ». C’est une façon très particulière de considérer l’autre, afin d’être avec lui, d’être ensemble pour veiller sur le bien commun et le bâtir, pour être avec quelqu’un et non pas contre. Le bien commun est ainsi pris en compte, et non pas la course au succès individuel pour atteindre son but. C’est une expérience propre à la Pologne et à l’Église polonaise.
J’ai la conviction que c’est là la contribution spécifique que la Pologne, avec son expérience issue du christianisme, peut offrir à l’Europe pour l’enrichir, pour qu’elle ne perde pas son caractère et son identité, ni qu’elle n’oublie ses racines chrétiennes. Si on aboutit à une atomisation totale des sociétés et à une rupture avec les valeurs chrétiennes, alors l’Europe cessera d’être l’Europe. Je pense ici à l’Europe en tant qu’elle porte une certaine tradition culturelle, une certaine force de l’esprit humain qui, grâce au christianisme, lui a permis d’être, pendant un certain temps, le continent le plus avancé du monde. L’Europe a commencé à s’affaiblir quand on a entrepris de s’éloigner de Dieu et à vivre comme s’il n’existait pas. C’est là qu’a démarré le déclin de l’Europe. Si cela continue, on pourra parler de la civilisation de l’Europe occidentale, comme on parle aujourd’hui des civilisations des Incas, des Égyptiens, des anciens Chaldéens, des Grecs ou des Romains. Si nous voulons avoir une Europe qui soit une maison commune spéciale, construite sur des fondations chrétiennes, nous devons retrouver ces fondations et les approfondir car, autrement, la catastrophe arrivera.

La Pologne au XXe siècle, d’abord martyrisée par le nazisme puis par le communisme, a fourni à l’Église un grand nombre de martyrs et de saints : l’esprit de sainteté est-il consubstantiel à l’âme polonaise ?
Il est nécessaire de se référer à l’ancien dicton « anima est naturaliter Christiana » : l’âme humaine est naturellement chrétienne. Cette maxime, probablement de Tertullien à la charnière des deuxième et troisième siècles, indique que si le message chrétien atteint quelqu’un, il peut tomber sur un terrain fertile et avoir une résonance positive précisément parce qu’il y a un désir de vérité, de bonté et de beauté chez l’homme. Et si, dans ce désir, apparaît la présence de Dieu, lui-même qui est Bonté, Beauté et Vérité la plus haute révélée par Jésus Christ, il est alors possible de s’ouvrir au christianisme. C’est l’expérience de l’Église primitive. Dans l’immense masse païenne, ce message est parvenu à atteindre des gens qui, au début, étaient éloignés du christianisme mais qui, soudain, y trouvèrent les réponses aux questions les plus significatives et les plus importantes que chacun porte en soi.
Et c’est précisément de cette ouverture au Christ qu’est née la sainteté. Cette sainteté concerna l’Église des premiers siècles, l’Église des martyres mais ce fut aussi la sainteté de gens qui construisirent tout d’abord l’Europe sur les ruines de l’Empire romain, puis conduisirent les peuples barbares pendant les Ve, VIe et VIIe siècles. Que de saints formidables sont apparus !  Léon Ier le Grand, Grégoire Ier le Grand, saint Benoît, sainte Scholastique sont de tels personnages clé. Ne nous étonnons donc pas que Saint Benoît ait été proclamé saint patron de l’Europe par Paul VI.
Le problème est apparu en Europe lorsque les gens ont commencé à se fermer au christianisme, à le traiter comme une superstition au nom de la liberté de la raison. C’est l’œuvre des Lumières. A l’heure actuelle, nous voyons disparaître l’idéal de sainteté de ces sociétés qui se sont fermées au Dieu des chrétiens. Puisqu’en Pologne ce processus n’a pas existé sur une telle échelle, cela explique qu’il y ait tant de saints encore d’actualité, proches de nous, y compris dans le temps, liés au martyre de l’Église pendant la seconde guerre mondiale et le communisme, et aussi d’autres saints qui ont répondu à des appels spécifiques et des apparitions de Dieu. Je pense ici particulièrement à sainte Faustine Kowalska. C’est pourquoi l’Église en Pologne peut maintenant se vanter d’avoir un grand nombre de saints. Cela n’est pas dû à des traits particuliers de l’âme polonaise, mais au fait qu’elle est encore ouverte à Dieu, tout comme les âmes des autres peuples et nations devraient être ouvertes. C’est cela qui accouche de la sainteté. Pas une quelconque spécificité nationale.

Les Églises européennes sont divisées sur des questions importantes comme les divorcés remariés soulevées par l’exhortation Amoris laetitia : que vous inspire cette situation inédite ?
Effectivement l’exhortation apostolique Amoris laetitia présente comme un grand objet d’attention pastorale le mariage des personnes qui vivent dans des unions non-sacramentelles successives. C’est un grand défi pastoral. Le Saint-Père, en exigeant que l’Église aille à la périphérie, donc vers les gens éloignés de l’Église, a également soulevé ce problème, d’autant plus que les personnes qui ont divorcé demeurent dans l’Église. Et bien qu’elles ne puissent pas recevoir les sacrements, et en particulier celui de l’Eucharistie, elles doivent être incluses dans l’attention pastorale de l’Église. Il ne s’agit pas ici de relativiser l’enseignement de l’Église, mais de reconnaître de nouveaux défis pastoraux.
En Pologne, le nombre de divorces augmente également dangereusement, ce qui est lié à la crise du mariage et de la famille. Il faut trouver à cela les remèdes pastoraux adaptés et il faut apporter à ces personnes aide et soutien afin qu’elles conservent la foi, ne rejettent pas l’Église mais, au contraire, trouvent une place appropriée en son sein. C’est un problème qui exige une réflexion adéquate. On ne peut pas utiliser ici de raccourcis ou de simplifications comme cela a lieu dans certains pays. On ne peut pas traiter ce problème à la légère car il est très sérieux et parce que l’avenir de l’Église dépend aussi de l’attention pastorale appropriée accordée aux personnes vivant dans des unions non sacramentelles.

La Pologne est souvent critiquée par l’Union européenne (UE) qui lui reproche notamment ses positions trop « identitaires » et son manque d’ouverture à l’égard des migrants : qu’en pensez-vous ?
Il y a sans aucun doute un problème d’immigration et une vague énorme d’immigrants qui voudraient s’installer en Europe lorsqu’ils quittent leur pays. Nous ne pouvons oublier la voix des évêques syriens et de ces évêques du Proche-Orient qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour que l’aide aux populations, en particulier celles touchées par la guerre et la famine, soit fournie sur place. Il s’agit de ne pas laisser se développer une situation dans laquelle des nations liées au christianisme depuis le début, comme la Syrie et l’Irak, se trouvent vidées de leurs communautés chrétiennes.
L’attention portée à l’Église dans sa dimension universelle exige que l’on vienne en aide justement sur place à nos frères chrétiens qui souffrent et se trouvent dans une situation difficile. Dans ce cas, nous protégeons beaucoup mieux les mariages, les familles et les nations entières que quand nous accueillons quelques groupes de ces nations chez nous, ce qui entraîne de graves problèmes dans les pays d’où ils viennent, mais conduit aussi aux tensions et aux difficultés que connaissent les pays qui se sont totalement ouverts aux émigrés. Ainsi, par exemple, l’attitude de la Pologne, de la Hongrie et d’autres pays est aussi l’attitude de gens se sentant responsables de l’identité de l’Europe en raison de leur expérience de l’histoire. On ne peut pas oublier que c’est d’abord la Hongrie qui fut appelée « antemurale christianitatis », le rempart de la chrétienté en Europe ; titre qui fut ensuite attribué également à la Pologne. Derrière cette histoire se cachent d’énormes luttes et souffrances, pour pouvoir conserver l’identité de nos peuples, et donc aussi l’identité européenne. Ce furent des sacrifices immenses dont l’Europe de l’Ouest, en particulier, ne veut pas se souvenir, mais qui lui ont permis de se sentir en sécurité. Il est bien dommage que la levée du siège de Vienne et la grande victoire du roi Jean III Sobieski à la bataille de Vienne, en 1683, soient méprisées, quasiment depuis le tout début, par ceux que la Pologne a alors libérés en assurant, pour un temps, la sécurité de l’Europe entière.
Tel est notre vécu historique, qu’il n’est pas possible d’oublier, comme l’Europe n’a pas le droit d’oublier ce que la Pologne a fait pour elle en 1920 en arrêtant l’invasion des troupes bolcheviques qui voulaient atteindre l’Atlantique. En défendant les frontières de notre pays, nous avons également défendu les frontières de l’Europe. C’est dans notre tradition et dans notre façon de comprendre l’Europe. Nous voudrions que l’Europe puisse le prendre en compte, le respecter et qu’elle considère avec une grande responsabilité les problèmes qui concernent ces peuples et ces nations qui, sous l’influence d’une mauvaise propagande, quittent leurs territoires nationaux, cherchent le bonheur en Europe et ne le trouvent pas. Je soulignerai ici la grande action conduite par les frères Salésiens en Afrique qui a pour but de retenir sur place les personnes habitant en Afrique Centrale en leur apportant différentes formes d’aide, la possibilité d’une amélioration de leur vie sociale et économique, protégeant ce que l’on peut protéger sur place ; c’est-à-dire le mariage et la famille.

L’Église en Pologne n’est-elle pas quelque peu écrasée par le souvenir omniprésent de Jean-Paul II ? Comment continue-t-il à marquer le catholicisme polonais ?
Le mot « écrasé » n’a pas du tout sa place ici. Ce n’est pas, tout d’abord, comme si nous n’arrivions pas à penser à autre chose et que nous étions complètement dominés par ce que Jean-Paul II nous a présenté dans son magistère ainsi que par l’exemple de sa vie. Au contraire, ce qu’il nous a transmis à travers l’exemple de sa vie et de son enseignement est pour nous une grande inspiration et un appel à penser et à comprendre notre réalité actuelle dans un nouveau contexte, 40 ans après son élection, 13 ans après sa mort ; à comprendre les devoirs qui se dressent devant nous, non pas tant à la lumière de son enseignement mais à suivre ce à quoi il a appelé la Pologne et le monde entier. Et il a appelé à ce que l’on n’ait pas peur de s’ouvrir au Christ et à Son Évangile. Il ne s’est pas prêché lui-même. Ce qui est le plus important dans ce qu’il nous a légué et ce sur quoi s’appuie l’Église en Pologne ainsi que l’archidiocèse de Cracovie, ce ne sont pas tant des références constantes à ses paroles, mais le fait d’avoir le courage de faire ce qu’il a enseigné. Cela signifie, dans la situation actuelle, avoir le courage de se regarder, ainsi que de regarder le monde qui nous entoure à la lumière de l’Évangile du Christ.
Voilà ce qu’il nous a appris et, à cet égard, son enseignement est toujours pertinent et ne nous asservit absolument pas, ne nous abat pas, ne nous empêche pas de penser mais, au contraire, nous incite en permanence à une pensée très créative et à des actions tout aussi créatives. Ce n’est donc pas le mot « écrasé » qui serait important dans une pensée pleine de reconnaissance envers Jean-Paul II mais c’est plutôt le mot « inspiration » qui devrait apparaître. L’inspiration qu’il nous donne et qui nous reste toujours si chère. Je suis convaincu que tant que nous ferons, suivant son exemple, l’effort continuel, année après année, d’ouvrir au Christ les portes et les portails de nos consciences, nous pourrons d’autant plus nous sauver personnellement et sauver l’Église en Pologne et en Europe. Et qui plus est, suivant son enseignement, nous apporterons à l’Europe ce qui est aujourd’hui, pour elle, le plus important et ce dont elle ne veut pas se souvenir : l’esprit de l’Évangile.

Deux grands évêques polonais contemporains ont marqué votre histoire : les cardinaux August Hlond et Stefan Wyszynski (tous deux déclarés « vénérables »). Qu’est-ce que les Polonais retiennent plus particulièrement de ces deux exemples ?
À ces deux cardinaux : August Hlond et Stefan Wyszynski, qui jouissent déjà du titre de Serviteurs de Dieu, j’ajouterais une autre figure qui leur est très étroitement liée, Mgr Antoni Baraniak qui fut le secrétaire personnel, d’abord du cardinal Hlond, puis de Stefan Wyszynski, et qui pendant plus de deux ans – exactement de 1953 à la fin de 1955 – a été torturé à l’époque stalinienne parce qu’on voulait le briser intérieurement pour le faire témoigner contre ceux-ci, et montrer que l’Église en Pologne est une Église qui trahit le peuple et qui est le porte-parole d’un complot vaticano-américain frappant les intérêts les plus vitaux de la nation polonaise. Pendant ce temps, leur enseignement et leur attitude, soutenue par le martyre de l’archevêque Baraniak, nous montrent combien il est nécessaire de rester inflexible dans la foi au Christ, dans la relation avec le Saint-Siège, et combien cette foi doit être liée à une dévotion et une consécration particulières à la Sainte Vierge. C’est le cardinal Hlond qui a déclaré que si la victoire venait en Pologne, elle arriverait par Marie. Cette vérité a été aussi proclamée plus tard, par le cardinal Wyszynski, surtout à l’époque de la Grande Neuvaine, qui préparait la Pologne à la célébration du 1000e anniversaire de son baptême en 1966. Le cardinal Wojtyla, d’abord comme évêque, puis comme archevêque et ensuite comme pape, a démontré cette dévotion profonde à Marie dans sa vie pastorale. Cela s’est manifesté dans ses armoiries quand il était évêque, puis dans ses armoiries papales et sa devise « Totus Tuus » – Tout à toi, Marie et donc tout au Christ. Cet accent marial est très cher aux Polonais et très important pour eux.

Pourriez-vous nous dire un mot du sanctuaire de la Miséricorde divine ? Et pourquoi avoir construit juste à côté le sanctuaire Saint-Jean-Paul II ? Sont-ils devenus l’un des principaux lieux de pèlerinage en Pologne et comment se situent-ils par rapport au sanctuaire de Czestochowa ?
Le sanctuaire de la Miséricorde divine, qui a été bâti au début de ce siècle et qui fut consacré en 2002 par Jean-Paul II – au cours de son dernier séjour en Pologne –, est lié au cloître voisin où vécut sainte Faustine Kowalska, la messagère de la Miséricorde divine. Cette basilique est sans aucun doute un lieu de pèlerinage très important pour les gens venant ici du monde entier parce que tous ont besoin de la Miséricorde divine, du regard miséricordieux de Dieu sur chacune et chacun d’entre nous. Il n’est pas non plus étonnant de trouver à côté de ce sanctuaire le Centre Jean Paul II qui est bâti à l’endroit où, pendant la guerre, Karol Wojtyla, alors jeune homme, a travaillé durement comme ouvrier. Ensuite, le centre rappelle la mémoire de celui grâce à qui le message de sainte Faustine a été connu du monde entier. C’est Jean-Paul II qui a béatifié et canonisé sainte Faustine. En conséquence, le Petit Journal de Sœur Faustine est le livre écrit en polonais qui est le plus traduit dans les différentes langues du monde entier. C’est un livre important pour beaucoup de gens.
Ces deux sanctuaires, l’un à côté de l’autre ne se font pas de concurrence mais se complètent au plan des idées et, par ailleurs, il est difficile d’affirmer que leur présence porte une ombre quelconque au monastère de Jasna Gora à Czestochowa. Le nombre de pèlerins à Jasna Gora n’a pas diminué. Au contraire, j’ai entendu dernièrement que leur nombre avait augmenté. Ces deux sanctuaires, celui de la Miséricorde Divine et celui de Jean Paul II sont très fréquentés par les pèlerins, mais il faut également y ajouter les sanctuaires polonais qui ont un caractère national, je pense ici au sanctuaire de la Sainte Vierge à Lichen en Pologne centrale, mais également au sanctuaire marial de Kalawaria Zebrzydowska, proche de Cracovie et si cher à Jean-Paul II. Avec les possibilités des transports et de la technique actuels, mais aussi avec l’augmentation du niveau de vie, les Polonais visitent volontiers les sanctuaires, surtout ceux liés à la vie et à la dévotion de Jean-Paul II-Karol Wojtyla. Ce mouvement de pèlerinage important et bien vivant montre combien les sanctuaires sont nécessaires pour les gens en tant que lieux de renouveau intérieur, de conversion, de réflexion et de prière.

© LA NEF n°308 Novembre 2018 (version intégrale)

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