Un article sur la question de la vie contemplative en Chine

Un article sur la question de la vie contemplative en Chine

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C’est une étude intéressante publiée par Eglises d’Asie qui relate le travail d’un chercheur français, Michel Chambon. En République de Chine populaire, il n’existe plus de vie contemplative dans une Eglise catholique pourtant assez fervente. En effet, depuis 1949, les communautés furent dispersées et durent se replier dans les parties non communistes de la Chine, comme Hong-Kong. Elles subirent les persécutions à l’instar de l’Abbaye trappiste Notre-Dame de la Consolation de Yangiaping (voir photo au-dessus). Il existe également une communauté à Macao, mais la Chine populaire reste encore privée de contemplatifs. L’auteur de cette étude donne quelques explications et souligne la nécessité d’encourager la vie monastique. Cette question est aussi importante que celle de la nomination des évêques chinois.

Les éternelles négociations qui se poursuivent entre Rome et Pékin révèlent en contraste une approche de l’Eglise en Chine qu’il serait temps de questionner. Du fait d’une focalisation sur la nomination des évêques en Chine, on est tenté de penser que l’Eglise est uniquement une affaire de diocèses et d’évêques. De même, les multiples analyses et statistiques sur l’Eglise en Chine se préoccupent d’abord du nombre d’évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieuses, du découpage des diocèses et des paroisses, ou encore du développement et de l’impact des services sociaux portés par l’Eglise. Mais toutes ces informations laissent dans l’ombre une partie de l’Eglise à laquelle la Tradition accorde pourtant la plus haute importance : la présence monastique.

Cette absence de vie monastique présente un danger évident: faire apparaître l’Eglise comme une administration visant seulement à encadrer les populations:

Il est surprenant de constater combien la majorité des réflexions sur l’Eglise en Chine considère le corps du Christ uniquement sous son angle séculier. Les seuls religieux évoqués sont les religieuses apostoliques, toutes engagées dans l’administration des paroisses et les services sociaux (maisons de retraite, jardins d’enfants). Dès lors, le risque est que l’Eglise apparaisse seulement comme une administration encadrant des populations – ce qui ne peut qu’inquiéter l’administration officielle et légitime : le gouvernement chinois.

L’auteur donne aussi les raisons de la faible préoccupation pour la vie monastique. Il évoque la tendance moderne dans l’Eglise, commencée dès le concile de Trente, qui pousse à sa structuration sur une base territoriale:

Où est donc passée l’Eglise régulière ? Pourquoi la vie monastique en Chine préoccupe si peu nos analystes et responsables ?

Du côté de l’Eglise catholique universelle, les impulsions données par le Concile de Trente puis par Vatican II ont massivement orienté l’Eglise romaine à se structurer sur une base territoriale et administrative. Contrairement à l’Eglise grégorienne qui donnait la priorité aux réseaux des monastères conçus tels des centres de rayonnement spirituel attirant les croyants (tradition encore vive chez certaines Eglises orthodoxes et orientales), l’Eglise catholique moderne est devenue une entité soucieuse de couvrir des territoires, de tenir des registres détaillés et d’encadrer les populations via de multiples services sociaux.

En Europe, et particulièrement en France, cette restructuration du catholicisme n’a pourtant pas provoqué la disparition des monastères. Aujourd’hui encore, à l’heure où les clergés diocésains sont en crise profonde, les monastères attirent, rayonnent et fécondent bien au-delà de leur clôture.

En Chine, il semble cependant que le clergé diocésain soit devenu la seule référence. Certains voudront y voir l’action du gouvernement, cible facile pour expliquer tous les maux de l’Eglise. Il est certes vrai que le Parti communiste fut initialement très opposé aux monastères catholiques. Les trappistes du Hebei forcés de se replier jusqu’à Hongkong en savent quelque chose. Mais les temps changent. Aujourd’hui, en certains endroits du pays, les autorités locales reconnaissent et respectent la présence de monastères. Ceux-ci sont rares, mais ils existent. Il existe aussi quelques communautés non déclarées aux autorités civiles, mais elles n’attirent guère plus l’attention et l’intérêt des analystes et commentateurs du devenir du catholicisme en Chine. Il semble que, pour les experts catholiques, seule l’Eglise séculière compte.

En Chine, certains prêtres diocésains affirment parfois : « Nous sommes tous porteurs de la prière contemplative, nous n’avons donc pas besoin des moines. » Cette déclaration, en plus de méconnaître la spécificité de la tradition monastique, reflète une certaine vision que l’on pourrait qualifier de protestante de l’Eglise. En effet, si nous sommes tous acteurs de la prière contemplative, nous sommes aussi tous prêtres de par notre baptême. Dès lors, à quoi bon continuer d’instituer un clergé distinct des laïcs ?

L’auteur essaye de donner les raisons de ce désintérêt pour la vie monastique. Elles sont, en réalité, diverses et complexes:

Pour expliquer plus sérieusement ce désintérêt vis-à-vis des monastères autre que par le politique ou une certaine théologie protestante, il faut prendre en considération certains facteurs culturels. La Chine, comme d’autres pays marqués par le bouddhisme, compte de nombreux monastères bouddhiques. Même si la démarche spirituelle est différente, la proximité apparente entre monastères chrétiens et bouddhiques rend les catholiques chinois méfiants vis-à-vis de ces institutions jugées trop similaires à ce bouddhisme qu’ils répugnent. Dans ce contexte, nombreux sont les catholiques chinois qui rechignent à soutenir et encourager les monastères.

Il y a donc une convergence de facteurs qui explique ce désintérêt pour la tradition monastique. Que ce soit en raison de causes historiques et politiques, que ce soit du fait d’un clergé diocésain soucieux de consolider sa légitimité, que ce soit une tendance de long terme dans l’Eglise universelle, que ce soit une difficulté culturelle locale, les vents sont contraires au développement des monastères chrétiens en Chine.

L’auteur souligne enfin la nécessité, dans l’Eglise de Chine, de porter attention à la vie monastique:

Pourtant, à l’heure où les villes chinoises prennent des proportions gigantesques, provoquant des transformations radicales dans les modes de vie, il serait heureux que le clergé catholique soit plus prudent dans sa façon de vouloir structurer et réguler l’Eglise. La Tradition porte et valorise la vie monastique comme étant riche d’une contribution irremplaçable. Cette dernière parle de manière unique à la vie somme toute artificielle et saturée des populations urbaines. Il est donc important de ne pas oublier trop vite combien les monastères pourraient devenir une précieuse aide à l’annonce de l’Evangile dans la Chine actuelle. On peut dès lors se réjouir des contacts et échanges entre la communauté de Taizé et les écoles protestantes de théologie en Chine continentale.

Coté catholique, négocier une juste procédure pour la nomination des évêques demeure important. Mais veiller à la pérennité et à l’autonomie des monastères en Chine n’est pas moins capital. En remettant plus au centre le clergé régulier et en favorisant son rayonnement dans l’Eglise en Chine, il est probable que l’Eglise réponde plus adéquatement aux changements sociaux actuels. Cette insistance pourrait également aider à présenter l’Eglise moins comme une administration en compétition avec l’administration officielle, mais plus comme une ressource spirituelle au service du bien commun.

Source: EDA.

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